LA RÉACTION (1849-1859) !79 domination des radicaux, les conservateurs réapparaissent en Hongrie à la suite des armées autrichiennes, et jouissent sous Windischgràtz d'une influence éphémère ; mais la Constitution du 4 mars les jette dans l’opposition. Ils entament aussitôt la lutte contre elle. Ils sont, à la cour, sur leur terrain ; toutes les portes leur sont ouvertes, môme et surtout les portes de derrière ; on peut accuser leur politique passée d’imprudence et de faiblesse, mais leur loyalisme est au-dessus de tout soupçon : s’ils revendiquent les droits de la Hongrie, ils ont déjà donné plus d’une fois les preuves de leur attachement à la monarchie. C’est cette situation personnelle qui rend, pour le nouveau régime, leur hostilité particulièrement dangereuse. Les chefs du groupe sont les hommes qui, en 1847, ont dirigé la tentative des progressistes modérés : Apponyi, Jôsika, Szôgyeny, Vay, Emile Dessewfïÿ. Leur programme a subi, nécessairement, le 'contre-coup de la Révolution : les solutions qu’il proposait en 1847 sont devenues en 1849 impossibles par suite des transformations politiques et sociales qui se sont accomplies dans l’intervalle. Ils acceptent ces transformations sans arrière-pensée. Mais, si nettement qu’ils l’affirment, si timidement qu’ils expriment quelques regrets, qu’ils laissent percer leur préférence pour des solutions moins tranchantes, qui auraient mieux ménagé des droits respectables ', Bach a trouvé immédiatement le point vulnérable par où, tout le long du régime, il attaquera ces redoutables adversaires, il excitera contre eux l’opinion : ils sont des réactionnaires, des féodaux qui, à peine au pouvoir, rétabliraient les cens et les corvées ; ils sont, du nom qui leur restera, les «vieux» conservateurs. Au fond du cœur, beaucoup d’entre eux, sans doute, auraient souhaité une réaction ; mais ils étaient trop instruits, ils avaient trop d’expérience et de sens politique pour nourrir — comme certains de leurs pairs dans l’aristocratie autrichienne — l’espoir qu’elle fût possible. Leur vraie faiblesse était leur isolement et leur exclusivité. Ils étaient et restèrent jusqu’au bout une coterie; pour le plus grand nombre d’entre eux, le dernier but de‘ l’action politique était de mettre entre les mains de ses membres les places et le pouvoir, auxquels ils se croyaient appelés par droit de naissance. Ils étaient, comme*les conservateurs prussiens, « un parti petit, mais puissant ». A peine l’ordre rétabli dans la monarchie, ils commencent la guerre de plume. La première pétition à l’empereur, rédigée par ' 1. Somssich, l)ax légitimé Heclit, 145.