i44 LA RÉVOLUTION ET LA REACTION la réaction ne ressemble plus à celui de l’ancien régime : celui-ci était féodal, celui-là est moderne. La monarchie a gagné à cette transformation de se débarrasser d’un système de gouvernement et d’administration qui la gênait, Pétouflàit, lui interdisait tout progrès ; de pouvoir désormais développer plus librement ses forces à l’intérieur, augmenter ses ressources, profiter de ses avantages naturels et politiques. Si elle n’en a pas tiré tout le profit qu’elle pouvait, la faute en incombe à la tentative de réaction qui remplit les dix premières années d'après la Révolution. Mais les résultats de cet affranchissement n’en ont pas moins été très profonds et très féconds. L'acte essentiel de cette transformation, c'est l’émancipation des paysans. Par ses conséquences sociales, politiques et nationales, elle a, dans l’histoire de la monarchie, une importance vraiment unique. La libération du sol et l’émancipation des paysans avaient été, dans toute l’Autriche, l’un des mots d’ordre de la Révolution. Les réformateurs de l’ancien régime, déjà, avaient lutté contre les abus de la féodalité, et les premiers actes révolutionnaires, pétitions en Autriche, motions législatives en Hongrie, soulevèrent la question, et en réclamèrent la solution la plus libérale. Pour les paysans, la Révolution 11e signifiait qu’une chose ; leur affranchissement. Dès les premiers jours de l’ère nouvelle, ils avaient cessé de payer leurs redevances et de fournir leurs corvées ; toute tentative de réaction, même toute tergiversation, eût visiblement entraîné une jacquerie : les espérances étaient montées trop vite, l’oppression avait été trop dure, les rancunes étaient trop vivaces ; aussi un prompt règlement de la question était-il dans l’intérêt des propriétaires et de l’ordre public autant que des paysans. En Hongrie, les lois d’avril posèrent les principes de l’émancipation. En Autriche, la libération du sol et l'affranchissement des paysans furent le seul résultat positif des discussions de la Constituante. Le gouvernement s’empressa de sanctionner la loi qu’elle avait votée ; et depuis, à aucun des moments décisifs de la Révolution, ni en octobre, à la l’uite de Vienne, ni en décembre, à l'abdication, ni en mars, à la promulgation de la Constitution, il ne négligea d’allirmer avec énergie sa résolution de n'y pas toucher et de n’y pas laisser toucher. C’est que, sitôt atteint ce but de leurs efforts, les paysans avaient quitté le parti de la Révolution. La traditionnelle obéissance à l’empereur, l’esprit conservateur inné avaient désormais chez eux repris le dessus. Seule, la crainte d’une réaction sociale aurait pu les agiter de nouveau ; et seul, leur concours