248 LES ESSAIS D'UNITÉ CONSTITUTIONNELLE lement à Vay leur conduite, et lui donnèrent des conseils pour le choix de leurs remplaçants \ D’ailleurs, si les conservateurs et les libéraux étaient des adversaires, il s’en fallait de beaucoup qu’ils fussent des ennemis. Entre eux, les relations personnelles et même politiques restaient le plus souvent excellentes: la longue habitude de la vie publique, de l’opposition et de la critique, le respect réciproque d’un patriotisme sincère, la conscience de poursuivre par des moyens différents le même but, les rapprochaient, malgré leurs divergences politiques, d’une façon parfois aussi touchante qu’amusante. Mais aucune considération personnelle ne pouvait empêcher le mouvement politique qui emportait irrésistiblement la nation. On lui rendait 1847, avec des améliorations et des corrections : elle réclamait 1848, tout entier ; elle voulait son droit intégral ; elle affirmait dans les comitats, en attendant de l'affirmer dans la Diète, que la loi, faite par l’accord des deux facteurs, le roi et la nation, ne peut être défaite et abrogée aussi que par leur accord. Derrière les deâkistes, champions intraitables de la légalité de 1848, s’agitaient les kossuthistes, résolus à user d’abord de toutes les armes légales, mais nullement effrayés à l’idée de recourir ensuite aux armes insurrectionnelles. Vay, prévoyant, aux signes qu’il avait sous les yeux, la tournure qu'allaient prendre les événements, avait adressé aux comtes suprêmes, quelques jours avant la réunion des premières assemblées des comitats, une instruction relative aux mesures à prendre pour la remise en vigueur de l’administration nationale, et une circulaire appelant leur attention sur la nécessité du calme et de l’ordre pendant la période de transition. L’instruction excluait en particulier, à titre provisoire, de la compétence des comitats les finances et les questions militaires. Mais le mouvement national n’en fut pas arrêté. La plupart des comtes suprêmes refusèrent de prêter le serment de 1847, qui les engageait surtout envers le roi, et prêtèrent ou renouvelèrent celui de 1848, qui mettait la Constitution au-dessus du roi. En ouvrant les séances des commissions et des assemblées générales des comitats, les plus marquants d’entre eux proclamèrent leur attachement inébranlable aux lois de 1848. Us invitèrent les assemblées, non pas à former les commissions, mais à les compléter en 1. Emléklapok, 3301, lettre de Lényay. 2. Les ministres hongrois, jugeant nécessaire, pour le principe, de frapper le iVapid, journal des deâkistes, s’entendent sur la manière de le faire avec son rédacteur en chef Kemény. Beksics, Kemény Zs., 293-4.