LE DIPLÔME D’OCTOBRE la justice, l’administration ; on sacrifiait du régime de Bach le germanisme, mais on croyait pouvoir en conserver l’absolutisme. Tandis que Rechberg négociait avec les Hongrois, son collègue Thun, sans le savoir peut-être, allumait un nouvel incendie dans leur pays. Le 10 septembre 1859, le journal officiel de Vienne publia une Patente impériale sur l’organisation des Églises protestantes en Hongrie. Prête dès i856, elle dormait depuis lors, par suite du marasme qui avait envahi à cette époque le gouvernement, dans les cartons du ministère. Elle était, dans ses dispositions, très-libérale : l’Autriche cisleithane l’eût accueillie avec enthousiasme ; l’Allemagne protestante admira la nouvelle liberté autrichienne. Mais, pour la Hongrie, elle était inacceptable, car c’était une Patente, une ordonnance absolutiste, et, en droit hongrois, les questions confessionnelles ne peuvent être réglées que par des lois. Des détails éveillaient les soupçons : la Patente semblait vouloir calquer la géographie ecclésiastique de la Hongrie sur la géographie administrative de Bach, créer des surintendances slaves, sur lesquelles le gouvernement de Vienne pourrait s’appuyer pour lutter contre les Magyars ; les Slovaques l’accueillaient assez favorablement. Mais la question de droit, pour les Magyars, dominait de beaucoup le débat : c’est elle que soulevaient toutes les résolutions de leurs assemblées ecclésiastiques, toutes leurs pétitions à l’empereur. Ainsi la lutte perdait son caractère religieux pour devenir politique et nationale. L’agitation contre la Patente donnait un programme, un centre d’action à tous les patriotes ; même des prêtres catholiques y prirent part '. Elle devint rapidement irrésistible ; en i856 encore, il n’aurait pas été très, difficile de venir à bout de l’opposition magyare ; en 18.59, après Solférino, on haïssait et on méprisait toujours le gouvernement, mais on ne le craignait plus. «C’est la plus colossale sottise que le gouvernement ait laite depuis 1848 », s’écria Émile Dessewfïy en lisant la Patente 2. Les assemblées de protestation se multiplièrent ; il fallut employer des soldats contre elles. Les chefs de la résistance, qui étaient en majorité des modérés et des loyalistes, furent traduits devant les tribunaux, condamnés, emprisonnés. Le gouvernement faisait des martyrs, et entretenait ainsi une agitation qui, au fond, servait ses desseins absolutistes. L’empereur reconnaissait qu’il fallait changer de système, se rapprocher de la légalité ; mais il fallait avant tout que l’ordre fût rétabli : pour le moment, des 1. Marczali, A legùj. kor tort., 860. 2. Rogge, II, 18.