LA RÉVOLUTION ET LA REACTION et à sa bande : d’ailleurs, il traçait très large le cercle des rebelles, et Batthyâny lui était peut-être plus odieux que Kossuth. Il entendait traiter la Hongrie comme il avait traité Vienne et Prague, la contraindre à une reddition à merci, la courber devant le roi quelle avait offensé. Ensuite, il ne resterait qu’à y rétablir le régime de 1847, en fortifiant les garanties de l’unité de la monarchie. Légitimiste et aristocrate avant tout, il ne pouvait pas plus considérer la Hongrie que la Bohême comme des provinces ; il ne pouvait pas admettre que la noblesse, la propriété foncière, ne fût pas naturellement appelée à gouverner l’Etat : de là sa sympathie pour l’ancienne Constitution ; toute atteinte au droit historique, toute reconstruction suivant des théories, qu’elles fussent absolutistes ou libérales, ne pouvait aboutir qu’à la démocratie, et par là à l’anarchie. Très influençable, il était complètement mené par les hommes d’État conservateurs hongrois, qui rentraient à sa suite dans le pays, très supérieurs en intelligence au maréchal, très dévoués à leur patrie autant qu'à la dynastie, également ennemis du séparatisme de Kossuth et de la centralisation du ministère. Celui-ci représentait l’autre politique. Schwarzenberg, ignorant des questions antérieures, était à la merci de Stadion et de Bach. Dominés tous deux, bien que de façons et pour des raisons différentes, par l’idée de l’État, ils voulaient profiter du bouleversement de la Révolution pour achever, par l’incorporation complète de la Hongrie dans la monarchie, l’unité autrichienne vainement poursuivie depuis des siècles. Par ses idées et par son caractère, Schwarzenberg leur offrait une prise facile. Son esprit autoritaire s’irritait lorsqu’on lui parlait de droits ; en politique comme dans l’armée il ne comprenait que deux mots, commander et obéir *. Cette doctrine ne s’accommode guère de privilèges politiques pour une classe quelconque. Au commencement de novembre, il avait, sur le conseil de Windisehgratz, demandé à des hommes d’Etat hongrois, Jôsika et Szécsen, leur aide pour rédiger les manifestes d’abdication et d’avènement pour la Hongrie. Puis ses collègues centralistes l’emportèrent ; il évita autant que possible de consulter Szécsen; avec Jôsika. son ami de jeunesse, il eut une scène violente, et l’ancien chancelier aulique, irrité et indigné de voir mépriser et fouler aux pieds les droits historiques de sa patrie, le quitta sur ces paroles prophétiques : « Ferdinand II a déchiré la lettre de majesté, mais après la victoire de la Montagne Blanche : vous n’avez pas encore la Hongrie, et vous en disposez t. Sybel, Begründung, I, 26i.