LES ESSAIS Ti’UNITÉ CONSTITUTIONNELLE de lui, Hübner prit à la police la place de Kempen. En diplomatie élève de Metternich, et par là déjà sympathique aux conservateurs hongrois, il le devint plus encore au cours des conférences où Rechberg l’avait convié ; sa nomination parut être pour eux un succès ; mais ils n’en jouirent pas longtemps. Dessewffy lui avait indiqué des lectures à faire sur le droit public hongrois 1 : il s’en pénétra trop profondément, il subit trop docilement l’influence des conservateurs ; au conseil, il s’engagea à fond pour la restauration des droits de la Hongrie et une conversion sérieuse au constitutionnalisme, et posa, pour sa personne, la question de confiance. Elle fut résolue contre lui. Pendant son ministère de deux mois, il avait semblé qu’un souffle de liberté passât sur l’Autriche. La presse avait été moins muselée, la critique avait pu élever sa voix. Son successeur, Thierry, changea complètement de méthode ; son ordonnance sur la presse (25 nov? 1859) est un chef-d’œuvre du genre réactionnaire : est punissable, dit l’art. 4, après une longue énumération, quiconque publie des nouvelles fausses, inventées ou arrangées, et qui sont de nature « à affaiblir la confiance dont jouit le gouvernement ». La police est, naturellement, seul juge de la qualité de ces nouvelles et de leur effet. Au moment où la question vitale pour l’Autriche est de savoir quelle sera la Constitution de la monarchie, elle pousse l’inconscience jusqu’à interdire à la presse de prononcer même le nom de Constitution ’. Ces brusques changements de direction, cet entêtement dans une réaction et une compression devenues impossibles, trahissent l'embarras, l’anarchie qui régnaient en haut lieu. Il fallait réformer, et on ne voulait toucher à rien ; renoncer à l’absolutisme, et on craignait d’affaiblir le pouvoir monarchique. On errait dans les ténèbres, risquant des demi-mesures inutiles, excitant par maladresse les hostilités mêmes que l’on voulait désarmer. On faisait des concessions aux langues nationales dans l’instruction, 1. Somssich et le Conspectus de Cziràky. Kônyi, Deâk, II, 228. 2 Friedmann, Zehn Jahre ôsterr. Politik, 107. Dans un article du 0 nov. 1859, Friedmann soutenait cette thèse qu’il fallait à l’Autriche une Constitution, non point schématique à la françàise, mais adaptée aux particularités de son développement historique et national. Cet article lui valut, de la police, un avertissement où se lisait textuellement cette phrase: « Bien que le gouvernement, dans ces derniers temps, ne se soit pas opposé en général à ce que la presse autrichienne traitât, avec modération et dans une bonne intention, les questions de politique autrichienne, il ne saurait permettre qu’à ce sujpt les questions fondamentales mêmes de l’Etat, et en particulier celle de la Constitution de l’Empire, forment l’objet de la discussion. »