LA RÉVOLUTION ET LA RÉACTION ministre de la police a des dossiers secrets, pleins d’erreurs et de mensonges, dont il fait largement usage. Aux suspects, il ferme non seulement les fonctions publiques, mais les emplois privés. 11 ne prononce pas seulement des interdits, mais il confère des investitures, également indiscutables : témoin le cas de ce journal de Pest, dont la police révoque le rédacteur en chef, pour donner de force sa place à un autre qui, malgré ses protestations et ses répugnances, est bien obligé d’accepter. Nul n’est sacré pour la police et la gendarmerie : à Semlin, les ofïiciers chargés de la surveillance de la frontière sont espionnés par les gendarmes, et s’en plaignent hautement ; et c’est vraiment l’ironie dernière du système que de voir l’archevêque de Vienne menacé de poursuites pour avoir oublié de déposer un exemplaire d’une lettre pastorale, dont il est, pour la police, 1’ « éditeur » Les fonctions de police sont tenues pour si importantes qu’elles constituent une attribution spéciale des gouverneurs, tandis que les véritables affaires administratives sont traitées par leurs conseillers. Mais bientôt la police échappe à Bach ; l’armée met la main sur elle ; le chef de la gendarmerie, Kempen, un général, est chargé de la direction de 1’ « oflice suprême de police », et entre au conseil. Bach n'a qu’à s’incliner devant ce subordonné devenu presque son supérieur, et qui lui fait sentir qu’il l’est. Outre la bureaucratie, l'armée et la police, 1’ « Autriche nouvelle », comme la nomment ses panégyristes, s’appuie sur l’Église catholique. Le Concordat de i855 a scellé leur alliance. Par elle, le régime nouveau met à son service une incomparable influence morale et sociale, que d'ailleurs il paie son prix. La façon dont il envisage cette orientation décisive de sa politique est caractéristique de l'esprit qui l’anime : Bach considère la conclusion du Concordat comme une bonne opération de police, qui donne à l’État autrichien une seconde gendarmerie, plus nombreuse et mieux armée que l’autre, une gendarmerie spirituelle. La Constituante autrichienne, tout naturellement, avait eu à s’occuper des rapports des Églises et de l’État. Ses solutions 1. Cf. pour tous ces traits sur la police, Denis, n. c , II, 390-1. J. Goll, Palackÿ, 56; Rogge, I, 79, 222. Gabier, Ze zivota generala F. Zacha, dans Osvëta, 1892. 1, 292, 401-5 (Gabier, invité par Thun à entrer dans l’enseignement, cautionné par le ministre et son sous secrétaire d'État, Helfert, pour son attitude « louable » en 1848, est exclu par Kempen, dont les dossiers le désignent comme auteur d'articles qui sont de Springer. 11 trouve une place de précepteur à Vienne, Kempen veut l’expulser, et il peut avec peine conserver son emploi, en se laissant baptiser secrétaire particulier.) Wolfsgruber, Rauscher, 176-7.