LA RÉVOLUTION ET LA RÉACTION i5, la Révolution triompha. L’empereur, qui avait déjà refusé de laisser tirer sur « ses » Viennois, entreprit, contre le gré de son entourage, une promenade en voiture dans la ville révoltée ; accueilli partout avec enthousiasme, il accorda à son retour, malgré l’opposition de sa famille et de ses conseillers, les dernières demandes révolutionnaires : liberté de la presse, garde nationale, promesse d’une Constitution pour l’Autriche cisleithane *. Au nouvel Etat constitutionnel, il fallait un ministère « responsable ». On baptisa ministres les présidents des Chambres, Offices ou Conseils, et tout fut dit. Ce fut une nouvelle gérontocratie s. Kolovrât la présidait. Toujours mort de peur, il fut trop heureux de se retirer au plus vite, pour faire place à Fiquelmont, le ministre des affaires étrangères, qui avait été pendant des années le successeur désigné de Metternich. L’opinion se rassurait en voyant au ministère de l’intérieur le baron de Pillersdorf. Chancelier aulique autrichien sous l’ancien régime, il avait été tenu dans une demi-disgrâce : elle auréolait son libéralisme, d’ailleurs plus que modéré. Ni ses capacités politiques ni son énergie 3 n’étaient à la hauteur de sa nouvelle situation ; ce subalterne, vieilli dans les emplois secondaires, dans le demi-jour des bureaux, fut aveuglé par la lumière crue de la place publique, où désormais se traitaient les affaires. Suspect aux lidèles de l’ancien régime, il cherchait à détruire leur influence, à conférer, en vrai ministre constitutionnel, directement et uniquement avec l'empereur. Celui-ci s’amusait, en enfant, de l’animation nouvelle de Vienne, des drapeaux déployés partout, des ovations dont il était l’objet 4 : mais, sans volonté, il était le jouet de qui lui parlait le dernier et le plus longtemps. Jamais l’Autriche cependant n’aurait eu plus besoin d’un véritable souverain. La situation de la monarchie était menaçante. A la nouvelle des événements de Vienne, la t. « Les mesures nécessaires sont prises pour convoquer, dans le plus bref délai possible, des députés de tous les États provinciaux et des congrégations centrales du royaume lombard-vénitien, en renforçant la représentation de l’ordre des bourgeois et en ayant égard aux Constilutions provinciales actuellement existantes, en vue de la Constitution de la patrie que nous avons décidée. » Bach, o. c., 197-201. Cf. Frôbel, Ein Lebenslauf, 1.188. — Sur le rôle de l’empereur, voir la dépêche du chargé d’affaires de Suisse, Bach, o. c., 206. 2. Le mot est du chargé d’affaires de Suisse à Vienne. Bach, o. c., 215. 3 Son attitude dans les conseils où furent discutées les demandes de la Hongrie (Szôgyény, Emlékiratai, 60) ne témoigne ni d’une grande sincérité ni d’une grande clairvoyance. 4. Bach, o. c., 223, d’après le chargé d’affaires de Suisse.