LA RÉVOLUTION ET LA REACTION duit par la Révolution avait été profond, quelle force elle avait donnée à l’idée de l’unité autrichienne, et avec quelles chances de succès un gouvernement habile et sage aurait pu aborder la solution du problème autrichien. Il n’eût pas eu besoin d’aller jusqu’au dualisme. Les ambitions de la majorité des Hongrois étaient bien plus modestes. Sans parler même des autres nationalités, nombreux étaient les Magyars qui, sous l’impression de leur terrible défaite, auraient accepté avec résignation la restauration de l’ancienne Constitution, même fortement modifiée, dans le sens absolutiste. Les patriotes libéraux craignaient que le gouvernement n’eût l’idée de la restaurer ainsi '. Du côté autrichien, la modestie des désirs n’était pas moindre : le rétablissement des anciennes Constitutions provinciales aurait satisfait les patriotismes particuliers, l’empereur serait resté maître absolu des affaires communes centralisées. Si le gouvernement s’était décidé à une semblable politique, il aurait pu s’appuyer, dans toutes les parties de la monarchie, sur les éléments sociaux les plus considérablesetles plus influents. 11 aurait ouvert la voie à une évolution intérieure régulière, pacifique et normale. Une méthode de douceur, une apparente générosité, qui aurait été en fait la plus grande des habiletés, lui aurait permis de réussir où la violence avait toujours échoué, et de fonder enfin l’unité autrichienne. Si cette occasion unique fut manquée, la responsabilité en incombe toute au ministère qui, entièrement libre de son choix, choisit de recommencer la politique de violence. La monarchie avait été reconquise par la force. L’armée se sentait victorieuse, elle triomphait, et elle voulait jouir de son triomphe. Tout contribuait à exciter son orgueil. François-Joseph, dès son avènement, s’était posé en militaire : par ses proclamations à l’armée, par les égards particuliers qu’il témoignait à ses chefs, il attestait quelle importance il lui reconnaisait dans l’Etat. Au contraire de ses prédécesseurs immédiats, il ne se montrait en public qu’en uniforme, et le public, sans apercevoir encore tout le sens de ce changement d’habitudes, le remarquait et le regrettaitL’état de siège entretenait chez les officiers l’idée de leur autorité indiscutable et de leur supériorité sur la population civile ; il les entraînait presque nécessairement, dans leurs rapports avec elle, à une arrogance insupportable, à des violences 1. Springer, Prolok., XIV. 2. Helfert, Gesch. Oest., III, 392.