LE DIPLÔME D’OCTOBRE 229 Cette obscurité voulue, le vague de ces formules sont des symptômes frappants de l’état de l’opinion en Autriche. Sauf les Hongrois, personne dans la monarchie ne sait précisément ce qu’il veut, ou, du moins, n’ose le dire. L’absolutisme s’est écroulé, mais les représentants, nommés, il est vrai, et non élus, des peuples de la monarchie semblent encore sous le coup de la terreur qu’il inspirait. Ces conseillers, appelés par l’empereur pour aider son choix dans un moment difficile, s’appliquent à ne lui pas donner de conseils précis, à peine de timides indications. Le flottement de certains d’entre eux est significatif. Antoine Auersperg ' s’indigne de la déclaration préalable des Hongrois, qui est attentatoire à l’unité de l’empire ; il trouve que la motion de la majorité n’insiste pas assez sur ce principe, que la minorité voit plus juste ; il ne considère pas comme douteux que la présomption de compétence doive être en faveur de FEmpire ; pourtant, en fin de compte, il vote avec la majorité, car le cadre de sa motion est le plus vaste, et toutes les nuances d’opinion peuvent s’y rencontrer. Nous n’avons pas, ajoute-t-il. à trouver les voies d’exécution : c’est l’affaire du gouvernement et du souverain ; « nous ne sommes pas une assemblée constituante ». Non seulement la majorité, comme de juste, partage ce scrupule, mais la minorité aussi tremble devant des mots : Hein, son principal orateur, un revenant du comité de Kremsier se défend avec énergie de vouloir une Constitution « représentative moderne, à la française » % et tous ses collègues de la minorité s’indignent que leurs adversaires leur lancent cette accusation. Ils reculent devant les conséquences logiques de leur propre pensée. Seul, le représentant des Saxons de Transylvanie, Maager, eut le courage de dire franchement son avis, d’énoncer une opinion précise et positive : ce qu’il nous faut, la seule réforme qui puisse nous sauver, c’est une « Constitution de l’Empire 4 ». La majorité scandalisée dit rudement son fait à ce révolutionnaire ; la minorité, timide et courtisane, le désavoua ; le représentant du Tiers Etat, comme il se nommait lui-même, à l’indignation des princes et des comtes qui ne représentaient qu’eux s, resta isolé dans l’assemblée, tandis qu’au dehors ses paroles réveillaient l'in- 1. Le poète Anastasius Grün. Dix-septième séance. 2. Pour avoir fait partie du Parlement, où pourtant son attitude n’avait été nullement révolutionnaire, il n’avait jamais été confirmé par le gouvernement comme bourgmestre de Troppau, et restait éternellement vice-bourgmestre. 3. Dix-neuvième séance. 4. Quinzième séance. ü. Vingtième séance.