l’ancien régime 63 Mohâcs, reconquis par l'Autriche en 1687, avait reçu de Leopold Ier en 1691 une Constitution spéciale, formait un inonde politique à part. Le royaume de Croatie, dont la couronne, depuis le xi* siècle, était réunie à celle de Hongrie, jouissait dans l'État hongrois d'une situation spéciale, intermédiaire entre celle d'Etat allié et celle de province autonome, et dont l’imprécision faisait naître de fréquentes controverses entre les Hongrois et les Croates. 11 n’y avait cependant dans l’ancienne Hongrie rien qui ressemblât, même de loin, à une question des nationalités comme elle se pose aujourd’hui. Le privilège commun de la noblesse créait une solidarité de tous les nobles, quelle que fût leur origine. Il y avait parmi eux des Slaves, des Allemands, même des Roumains élevés par la faveur du roi ou des Diètes, par la collation des armes ou de l'indigénat, à la même condition que les descendants des premiers conquérants magyars, qui avaient formé le noyau de la noblesse hongroise. Les mœurs et la langue magyare exerçaient leur attraction sur la plus grande partie de cette noblesse d’autant plus qu’elles ne prétendaient s’imposer par aucune contrainte, et que le latin servait à la Hongrie noble de langue oilicielle ou, comme on disait «diplomatique». Mais cette concorde devait être troublée du moment où la Constitution prenait un caractère démocratique et national: si la Hongrie ne devait plus être hongroise, mais magyare, elle se heurterait à l’opposition des autres nationalités. Au moment même où la Constitution commence à se transformer, apparaissent, sous l’influence de Louis Gaj, le fondateur de 1’« illyrisme », le propagateur de l'idée de l’unification nationale des Slaves du Sud, les premières conséquences politiques du travail de renaissance nationale qui s’est accompli dans la littérature slave du Sud depuis le début du xixc siècle; les idées « illyriennes » se répandent à Agram, conquérant surtout la jeunesse instruite, mais attaquant aussi la haute société, plus ou moins atteinte parla magyarisation’. Si les Magyars se mettent à parler leur langue à la Diète de Hongrie — Diète commune des deux pays — les Croates réclament le droit de parler la leur : tout au moins veulent-ils continuer à parler latin. Cette première question des langues provoqua à la Diète des discussions mémorables, en Croatie même des conllits parfois sanglants. L’idée nationale fait naître ici une tendance séparatiste ; en Transylvanie, au contraire, c’est un mouvement unioniste qu’elle suscite. Le grand-duché comptait trois nations reconnues : t. Marczali, II. Jôzse/, I, 241-3. 2. Loiseau, Le Balkan slave et la crise autrichienne, 85-94.