LA RÉVOLUTION (1848-1849) 93 envoya aussitôt à lnnsbruck en rapportèrent le manifeste impérial du ao mai. L'empereur avait quitté Vienne pour assurer la liberté de ses décisions ; il n'y rentrerait que lorsque la ville aurait repris ses sentiments de loyalisme. Les commissaires confirmèrent que la cour exigeait avant tout la dissolution de la légion académique. Pour un ministère énergique, la situation était extrêmement favorable. L’immense majorité des Viennois ne réussissait pas à s’imaginer Vienne, «la ville impériale»1, sans l’empereur : le loyalisme traditionnel et l’intérêt des bourgeois, (pii vivaient de la cour, souffraient également ; partout on maudissait la légion. D eux journalistes radicaux, qui, le matin du 18 mai, voulaient profiter de la stupeur générale pour proclamer un gouvernement provisoire, faillirent être écharpés. Mais la situation se modifia vite. L'empereur ne pouvait pas être parti de son plein gré, on l’avait arraché du milieu de ses Viennois chéris ; une troupe de courtisans, conspirateurs et ennemis du peuple, avaient commis ce crime ; le mot de camarilla fut lancé avec succès. L’incapacité, la faiblesse et la maladresse du gouvernement firent le reste. La légion académique se préparait à se disperser d'elle-même : Pillers-dorf, qui le savait, crut pouvoir se donner à peu de frais des airs d’énergie, et se pousser auprès de la cour ; il prononça la dissolution de la légion. Mais celle-ci alors résista : les ouvriers vinrent à son secours ; des barricades s’élevèrent. Le ministère avait fait son coup d'audace avec une incroyable imprévoyance : la ville était presque dégarnie de troupes. Aussi la journée du 26 mai marqua-t-elle un nouveau triomphe de la révolution démocratique. La légion fut rétablie, les concessions du i5 mai expressément confirmées, les droits constitutionnels du peuple placés sous la garde d’un comité de sûreté, organe révolutionnaire ; l'empereur devait être invité à rentrer dans sa capitale, ou, si l’état de sa santé l’en empêchait, à y déléguer un suppléant muni de ses pleins pouvoirs \ La cour, sa manœuvre déjouée, ne s’obstina pas. Dans un manifeste du 3 juin, l’empereur confirma son intention de réunir à Vienne un Parlement constituant. Le i5, il délégua tous ses pouvoirs en Autriche à son oncle, l’archiduc Jean, le seul vraiment populaire des membres de la famille impériale. C’était une mesure grave : l’unité de la monarchie reposait uniquement sur I. Es gibt nur 11 Kaiserstadt, es gibt nur a IVean, dit uni' parole célèbre. 2 V. particulièrement Bacb, o. c.. ch. IX, d’après les dépêches du chargé d affaires de Suisse.