LA RÉVOLUTION (1848-1849) qu’elle l’a soumise à une entière transformation, et qu’elle a engagé sa politique dans des voies toutes nouvelles. Il peut paraître étrange d’affirmer que la monarchie a été fortifiée par la Révolution, alors que cette crise, la plus grave qu’elle ait jamais traversée, menaça un moment jusqu’à son existence même. Elle en est cependant sortie fortifiée, rehaussée aux yeux de ses divers peuples, qui ont pris dans la Révolution conscience de sa nécessité, et aux yeux de toute l’Europe. Le cours même des éléments révolutionnaires montre combien peu, sous l’ancien régime, la monarchie avait de prise sur ses peuples : sitôt le système de Metternich tombé, chacun d’eux s’abandonne à son penchant national, les Allemands se tournent vers Francfort, les Slaves rêvent d’une autonomie provinciale qui, réalisée, mettrait l’unité autrichienne en grand péril, les Magyars constituent un État hongrois indépendant ; et, ce qui est le plus significatif, nulle part, même en Hongrie, on ne veut et 011 ne croit cependant détruire ainsi la monarchie. Mais, dans le sommeil de l’ancien régime, sous l’oppression qui a si longtemps pesé sur eux, les peuples autrichiens n’ont pas appris à réfléchir : aussitôt affranchis, ils n’obéissent qu’à leur instinct. L’expérience les instruit. Les Allemands, à l’épreuve, aperçoivent l’impossibilité d’une combinaison où les pays allemands-slaves feraient partie à la fois d’un empire d’Allemagne réorganisé et fortifié et de l’empire d’Autriche : ce serait asservir celui-ci à l’autre ; et, obligés de choisir, la raison et l’histoire leur font choisir de rester Autrichiens Les Slaves, également menacés par l’unité allemande et par l’État hongrois magyar, apprécient davantage l’asile que leur offre, la protection que leur assure la monarchie autrichienne ; ils souscrivent sans réserve à la parole célèbre de Palackÿ : « En vérité, si l’État autrichien n’existait pas depuis longtemps déjà, nous devrions, dans l’intérêt de l’Europe, même de l’humanité entière, travailler à ce qu’il se formât2.» Les Magyars mêmes, qui, en mars et en avril, s’abandonnaient avec une insouciante confiance aux joies de la pleine indépendance, sont dès juillet et août, mais surtout en octobre et en novembre, bien revenus de leurs illusions. Il eût été facile alors à la cour, si elle l’eût voulu, d’arriver avec eux à une entente bien plus favorable que n’est le Compromis actuel à l’unité de la monarchie. Mais sa passion aveugle confondait dans la même haine les libéraux loyalistes et les radi- 1. Protok., 302 (déclaration de Lasser). 2. Palacky, Spisy z oboru politiky. 20.