LA RÉVOLUTION ET LA RÉACTION L’essor qu’ont pris, grâce à elle, l’agriculture et l’industrie, a profité à l’influence politique de ces classes moyennes, qui représentent les idées de liberté civile et constitutionnelle. Ainsi, par ses conséquences sociales mêmes, l’émancipation des paysans a déjà eu des résultats politiques. Ses conséquences directement politiques n'ont pas été moindres. Les deux principes de l’organisation de l'ancienne Autriche, l'absolutisme et la féodalité, ont été par elle également atteints, de manière à ne pouvoir pas se relever. D'ailleurs, ils étaient liés l’un à l'autre. Du jour où les paysans ont été émancipés du servage, il est devenu impossible à l’absolutisme de se maintenir plus de quelques années. Privé de l’appui qu’il prenait sur le régime féodal de la propriété et de l’administration, il se trouvait seul en face d’une tâche trop lourde et trop compliquée pour lui. 11 a fonctionné, plutôt mal que bien, pendant dix ans, puis il s’est effondré sous le poids. La suppression de la féodalité, en effet, avait mis à la charge de l’Etat toutes les fonctions dont le soulageait jusque-là la collaboration des seigneurs. Elle avait obligé la politique autrichienne à faire entrer désormais dans ses calculs, non plus seulement les privilégiés, et, avant tout, la noblesse possédante, mais tous les sujets. C’était l’État désormais, et l’État seul, qui devait assurer pour tous l’administration, la justice, [ instruction, les travaux publics. Le problème compliqué de l’organisation de l’Ëtat moderne, particulièrement ardu dans cette monarchie, où la féodalité s’était si longtemps survécu, était rendu plus difficile encore par une double conséquence de l’émancipation : d’une part, l’essor de la production qu'elle avait suscité et qui, multipliant les rapports sociaux, faisant apparaître sans cesse de nouvelles formes de la vie économique, plaçait l’administration devant une tâche chaque jour plus délicate ; de l’autre, l’aspect nouveau du mouvement des nationalités, qui posait pour l’Autriche les problèmes d’organisation politique dans des termes qui ne se rencontraient nulle part ailleurs. Au point de vue national, l’émancipation des paysans a changé entièrement la face de l’Autriche. C’est par elle que la lutte des nationalités est devenue une guerre de masses, au lieu d’être un duel de privilégiés. Les paysans asservis, opprimés, misérables, ne comptaient pas comme facteurs dans cette lutte; mais les paysans affranchis, relevés dans leur dignité personnelle et dans leur condition matérielle, ont pu prêter désormais à la cause de leur nationalité un secours efficace ; délivrés du joug qui pesait lour-