LES ESSAIS d’uNITE CONSTITUTIONNELLE plus personnelles que politiques ; avec Rechberg, leurs relations sont polies, mais sans sympathie. Si les conseillers officieux du gouvernement, DessewfFy et ses amis, demandent quelque concession à l’opinion publique, aussitôt militaires, diplomates et bureaucrates objectent anxieusement la « situation de grande puissance » qu’il faut maintenir à tout prix. Dessewfly propose un plan complet, d’un jet, profondément pensé, vraiment libéral, sans aucun radicalisme : on l’épluche, on le marchande, on n’en laisse que des morceaux ; et, de ces morceaux mal recollés, Szécsen, autoritaire, absolu, impatient, fait le Diplôme. La monarchie se trouve à un tournant de son histoire : c’est, comme l’indique Dessewflÿ, d’une nouvelle Pragmatique Sanction qu’il s’agit, ou presque ; et l’on a juste huit jours pour examiner, discuter, arrêter une série d’actes de si haute importance, — parce que l’empereur part en voyage. L’aveuglement et l’incurable légèi’eté de la politique de cour éclatent tout entiers dans ce trait. L’opinion publique, irritée et déçue, chercha des victimes expiatoires, et les trouva dans les conservateurs hongrois, « les hommes d’octobre ». Elle eût dû les louer, au contraire, d’avoir, sans crainte de l’hostilité générale, sans illusion aussi sur le succès final, mis leurs forces au service d’une tentative qui, privée de leur concours, eût été assurément beaucoup moins libérale. Ils firent tout ce qu’ils pouvaient pour tirer d’une situation difficile le meilleur parti possible, pour vaincre les défiances de l’empereur, pour déjouer les pièges des coteries militaire et bureaucratique*. Ils se sacrifièrent à leur pays, et frayèrent la voie à d’autres, dont la plus grande chance fut de venir après eux. « Ils furent comme l’homme qui marche dans l’obscurité en tenant un flambeau non point devant, mais derrière lui. Ceux qui le suivent marchent avec assurance, mais lui-même tombe au premier obstacle » 2. En fait, la valeur réelle du Diplôme était toute dans ses négations. Il marquait la rupture définitive avec la politique de Bach, la centralisation absolutiste. Il proclamait la volonté de l’empereur de suivre à l’avenir, avec le concours de ses peuples, une voie nouvelle, et de s’inspirer désormais de leurs vœux et de leur avis. Il eût gagné à n’être qu'un manifeste, une esquisse de Constitution, 1. Ils ne soutinrent pas Dessewlîy, dans les conférences d’octobre, parce qu’ils savaient que l’empereur n’accepterait pas tous ses plans, et que, s’ils s’identifiaient avec eux, ils s’exposeraient a être congédiés, et à laisser la place aux influences qui poussaient à une politique anti-hongroise. — Récit de Sennyey à iionyi, qui le rapporte dans Hudupesti Szemie, avril 1899. 2. Thallôczy, Graf A. Szécsen, 1S4.