176 LA REVOLUTION ET L/Y REACTION III Dans toute la monarchie, le nouveau régime provoque un mécontentement universel, et il semble le provoquer à plaisir. Il met comme une sorte de coquetterie à étaler son uniformité absolue, à ne pas faire de différence de traitement entre les Magyars, par exemple, qui ont mis en péril la dynastie, et les Croates qui l’ont sauvée. Il irrite toutes les nationalités, sauf les Allemands, par ses tendances germanisatrices, et toutes, sans exception, par sa tyrannie absolutiste. Il fait ainsi leur union, mais contre lui. C'est en vue de la Hongrie en première ligne qu’il a été conçu ; c’est elle surtout qu’il lui importe de réduire, d’absorber dans un grand empire autrichien, centralisé ; sous prétexte d’unité de la monarchie et d’égalité nationale, il a entrepris de la réduire en parties, en atomes, d’abolir — sauf un nom — tout ce qui avait été la Hongrie historique. Si puissants que soient ses moyens d’action, ils ne lui permettent pas de dédaigner aucun concours. Le plus précieux serait celui des nationalités du pays', qui sont violemment hostiles aux Magyars : or, il semble prendre à tâche de les rebuter, de les rejeter vers ceux-ci. de refaire, contre lui, l'unité entre les peuples hongrois, en même temps que l’unité à l’intérieur de la nation magyare. Trois partis, dès le début de l’ère nouvelle, se distinguent parmi les Magyars. D’abord, les révolutionnaires, les fidèles de Kossuth. Ils ne sont plus nombreux dans le pays, et ils sont étroitement surveillés par la police autrichienne. Mais, de Londres et de Bruxelles, l’émigration hongroise soutient leur courage ; elle entretient en eux l’espoir de la revanche ; elle suscite, où elle peut, des embarras extérieurs à l’Autriche : elle offre son alliance à tous les ennemis de la monarchie : elle s'est donné pour mission de parler et d’agir au nom de la nation muette et enchaînée, de maintenir la question hongroise à l’ordre du jour de l'Europe, d’imposer au monde la foi en l’indépendance future de la Hongrie ’. Kossuth. à la défaite, n'a rien perdu de son prestige sur les populations de race purement magyare : sa légende est déjà formée quelques années à peine après la Bévolution ; d’anciens hussards se vantent d’avoir servi trois empereurs. 1. Kossuth, Heine Schriften aus der Emigration, I. VII.