I.)0 LA REVOLUTION ET LA REACTION L’unité autrichienne était laite, non pas l’unité extérieure et mécanique, l’uniformité, mais l’unité intime et morale, une unité solide et durable, fondée sur le consentement de tous les peuples autrichiens, si. au lendemain de la Révolution, le gouvernement s’était engagé, même avec la plus grande prudence, mais résolument, dans la voie constitutionnelle. Il était tout puissant ; nulle force ne pouvait plus lui résister. Le parti révolutionnaire avait disparu, soit dans les prisons et les casemates, soit dans l’armée, redevenue pour les pécheurs politiques la grande école de la discipline et du respect. La monarchie presque entière était en état de siège : les conseils de guerre et les gouverneurs militaires maintenaient l’ordre par la terreur. Les menées des agitateurs réfugiés en exil, dont Kossuth était le plus actif, fournissaient un prétexte à de nouvelles rigueurs de la police sans constituer un vrai danger. Les paysans, pourvu qu’on ne revint pas sur leur émancipation, ne demandaient qu'à obéir à l’empereur. Les libéraux de la bourgeoisie intelligente et laborieuse, qui avaient préparé la Révolution et dirigé ses débuts, étaient fatigués de toutes les vicissitudes traversées, découragés autant par les excès du mouvement que par son échec ; les intérêts matériels, négligés durant cette période agitée, les sollicitaient de nouveau, et faisaient tort à la politique. D’ailleurs, la désillusion était venue vite. Très-peu osaient encore, après l’expérience qu’on venait de faire, aspirer au parlementarisme. La grande majorité désirait, ou tout au moins acceptait, comme seule solution possible, un gouvernement central fort, contrôlé, mais non dirigé, par une assemblée peu nombreuse : une assez large autonomie provinciale satisferait, sans danger pour l'unité de la monarchie, les aspirations libérales et nationales. Sous la pression des faits, le libéralisme même des plus avancés avait pris une teinte très conservatrice. La littérature politique révélait cet état nouveau de l’opinion. C’était un signe des temps que la brochure d’Eôtvôs — le chef des centralistes hongrois, l’ami de Deák, l’ancien membre du ministère parlementaire hongrois — sur l'Egalité des nationalités Avec une grande pénétration et une pleine indépendance d’esprit, I. Die Gleichberechtigung der Nationalitäten (1850).