34 l’ancien régime grie comme roi de Hongrie. Mais, si étendus qu’ils soient, il ne s’en contente pas : malgré les lois hongroises, il en exerce d’autres, sur le sol hongrois, comme empereur. Des soldats étrangers, impériaux, occupent en permanence certaines places fortes et les garnisons du pays, qu’ils ont contribué à délivrer des Turcs ; les territoires qu’ils ont reconquis, et dont la Hongrie réclame, en vertu de ses lois, la réincorporation à la couronne, sont considérés à Vienne comme prises de guerre, et l’empereur en dispose à sa guise : il les fait administrer de Vienne et les soustrait ainsi aux lois hongroises. De même les Serbes y sont soustraits. Léopold Ier les a accueillis, fugitifs de Turquie, en 1690, et les a installés en terre hongroise ; ils habitent le royaume de Hongrie, mais c’est l’empereur qu’ils servent : la Hongrie attendra cent ans qu’ils soient rendus à ses lois. Ces pouvoirs extra-constitutionnels du roi ont donc pour trait commun de dériver de la reconquête. Ils attestent un état de fait contraire aux textes légaux, niais conforme à la réalité historique, et par cela même inattaquable. Le roi ainsi se trouve en grande partie dégagé des liens que semble lui imposer son serment à la Constitution. La grande arme des sujets contre les monarques, c’est le pouvoir de la bourse. En Hongrie, le roi est, de ce côté, presque indépendant de la Diète. Il ne reçoit d’elle que la contribution, levée sur les non-nobles, et destinée à l’entretien de l’armée permanente. Il a, par contre, les revenus des domaines de la couronne, de la taxe des villes, des douanes, du sel (malgré les protestations de la Diète), des mines qu’administre directement sa Chambre aulique de Vienne. Tout ce qui n’est pas la contribution est considéré comme son domaine propre ; il en emploie les revenus hors de toute ingérence et de tout contrôle de la Diète ; or, ces revenus dépassent de beaucoup, souvent du double, le produit de la contribution 1. Dans ces conditions, la prépondérance matérielle de la royauté fortifie encore sa prépondérance morale, et son pouvoir se rapproche singulièrement d'un pouvoir absolu. « Dans les affaires les plus importantes de l’Etat, qu’il s’agisse de la paix ou de la guerre, de l’armée, de l’emploi des principaux revenus financiers, le roi décide sans la Diète, et, ce faisant, il ne viole pas la loi \ » L’obstacle qui arrête la marche du pouvoir royal vers l’absolutisme complet, c’est le double droit que possède la nation de 1. Marczali, 11. Jozsef, I. 321-2. 2. Marczali, II. Jôzsef, I, 322.