186 I.A RÉVOLUTION ET LA RÉACTION mal; germanisés, les Serbes, dont la Voïvodie est, comme toute la monarchie, gouvernée en allemand. Si les Roumains de Transylvanie, peu gâtés par l’ancien régime, se trouvaient relativement moins à plaindre que d’autres peuples — encore que « l’Autriche nouvelle », avec sa bureaucratie oppressive et ses impôts, ne les enchantât guère, — les Saxons, en revanche, ne pouvaient supporter le traitement qui leur était infligé. Ce peuple, qui, le premier en Hongrie, s’était, prononcé en 1848 pour le maintien de la monarchie, qui avait pris part à la guerre en Transylvanie et avait souffert des représailles des Magyars, comptait naturellement sur un traitement de faveur ; son attachement à l’unité autrichienne, sa nationalité allemande, le zèle avec lequel un certain nombre de ses fils avaient fourni au système en Hongrie ses serviteurs les plus actifs, semblaient devoir lui éviter toute persécution. Mais — outre que les Saxons ont toujours été exigeants — ils avaient le tort de tenir à leurs institutions municipales, qui dérangeaient l’uniformité bureaucratique ; protestants, le Concordat n’avait rien qui pût leur plaire ; fiers de leur race et de leurs antiques privilèges, ils étaient blessés de la méthode de fusion et de nivellement que pratiquait le gouvernement. Il eût été de l’intérêt d'une politique unitaire et germanisatrice de les fortifier, en donnant ses soins au développement économique de la Transylvanie ; le ministère la négligea au contraire plus que toute autre province '. L’effet que produit le système sur ce peuple, chez lequel il rencontrait le plus d’affinité naturelle, est la pierre de touche de sa valeur : sur toutes les nationalités non-allemandes, la tendance germanisatrice suffirait à expliquer son peu de prise ; pour les Saxons, sympathiques à la germanisation, c’est l’oppression administrative, la brutalité, la manie niveleuse qui les rebute. — L'échec total du système de Bach en Hongrie s’explique par sa contradiction implicite. Pour combattre l’hégémonie historique des Magyars, sur laquelle reposait l’existence de l’Etat.hongrois, il lui eût fallu s’assurer le concours des Slaves et des Roumains, qui formaient la majorité de la population. Mais, puisqu’il voulait germaniser, il ne pouvait obtenir ce concours nécessaire. Et, sans appui dans la population, combattu par toutes les classes et toutes le nationalités, il ne pouvait pas réussir. Loin d’affaiblir les Magyars, l’épreuve à laquelle ils furent soumis pendant ces dix ans les fortifia, parce qu’elle les unit. Sous l’effet de la persécution, les divisions politiques s’effacèrent presque 1. Friedenfels, Bedeus v. Scharberg, II, 159-62, 215, 227-8.