2 l’ancien régime qu’aux États héréditaires de la maison d’Autriche1 eurent été réunis les deux royaumes, l’empire des Habsbourg se trouva définitivement constitué. Est-il, comme le veut l’opinion courante, la création purement artificielle d’une tenace politique de famille ? Les Habsbourg avaient tout fait pour qu’on le crût. Pendant deux siècles et demi, depuis leur établissement à Vienne en 1282, ils s’étaient tenus à l’affût, guettant les trônes de Bohême et de Hongrie. Ils n'avaient laissé passer aucune occasion de s’y créer, par des contrats de mariage et des pactes de succession, des titres, ou du moins des prétentions. Maximilien Ier, le grand-père de Ferdinand, en avait fermé le cercle, en faisant de son petit-fils, par une double union, deux fois le beau-frère de Louis II. — Mais les Etats artificiels n’ont pas la vie aussi longue que l’a eue la monarchie autrichienne. Puisqu’elle a duré, elle avait de bonnes raisons d'être. Sans doute, elle n’a pas, dans son ensemble, l’impérieuse unité physique que présentent certaines de ses parties, la Bohême, par exemple, ou la Hongrie: mais elle a une unité politique évidente5, ¿es divers territoires ont une orientation commune : ils subissent une même influence, celle du système hydrographique formé par le Danube et ses affluents. Le Danube les domine, il les pousse, les jette l’un vers l’autre : il donne à la monarchie son caractère géographique, fondamental et durable, de puissance danubienne.Entre les Sudètes, les Carpathes et les Alpes devait naître une puissance danubienne. Elle s’esquisse à diverses reprises, du vne au xvie siècle, depuis le légendaire Samo jusqu’à Mathias Corvin, le plus grand roi national de la Hongrie. Une loi de la nature attire ces éphémères empires vers le moyen Danube, qui est devenu et toujours resté le centre de gravité de la monarchie autrichienne. Plus heureux que leurs précurseurs, les Habsbourg réussirent à la fonder, parce que l’état général de l'Europe au début du xvie siècle favorisait leur dessein. C’est le moment où à l’Occident s’achève la formation des grands États, où à l’Orient s’établit la nouvelle et formidable puissance des Turcs. Placés entre l’Occident et l’Orient, à la rencontre de deux influences, au contact de deux mondes, les pays danubiens subissent le contre-coup de cette transformation 1. Archiduché d’Autriche, Styrie, Carinthie, Carniole, Tirol, Vorarlberg, Trieste, Goritz. 2. Supan, Oesterrcich-Ungarn, 3. — Cette question ne peut être ici qu’indi- quée. Des vues intéressantes se trouvent dans Supan, o. c., 5 12, 324 ; Ratzel, Politische Geugraphie, 100,155-6, 614-27, 654-6, 661-2, 682-3.