LA RÉACTION (1849-1859) 19- pas tout à fait libre de ses mouvements, le système pesait sur lui. Songeait-il à une mobilisation pour appuyer son action diplomatique. les difficultés financières l’arrêtaient. S’il prenait parti pour la Russie, il était menacé de voir les puissances occidentales lui susciter des embarras en Italie ; s’il se tournait délibérément vers elles, la Russie n’aurait pas de peine à agiter et même à soulever les Magyars et tous les Slaves autrichiens. D'ailleurs il n’était pas non plus entièrement maître de sa politique : des influences puissantes la contrariaient ; il en coûtait à l’empereur de payer d’ingratitude le tsar ; il ne s’y résigna que sur l’offre pressante de la démission de Buol Ainsi l’Autriche ne fit que des mécontents ; le tsar fut exaspéré de son ingratitude, les puissances occidentales, de ses lenteurs et de sa duplicité ; la Prusse se sentait trompée et humiliée par elle ; même les petits États allemands, sur lesquels s’appuyait son influence dans la Confédération, en étaient arrivés à se défier d’elle Bismarck, qui jugeait que Buol lui-même n’avait pas d’idée nette, et qu’il louvoyait pour éviter de prendre une décision énergique, prédit que la politique danubienne de l’Autriche lui vaudrait, « une fois les fumées dissipées, un violent mal aux cheveux », que le règlement de comptes ne tarderait pas plus de quelques années, et qu’après la paix sa situation serait mauvaise, et entièrement disproportionnée à ses sacrifices 3. En effet, la monarchie fut le vrai vaincu du Congrès de Paris 4. Contre son gré, malgré ses protestations, deux questions y furent posées également menaçantes pour elle : la question de l’union de la Valachie et de la Moldavie, qui devait constituer sur sa frontière une Roumanie, barrière à ses projets orientaux et centre d’attraction pour ses sujets roumains, et la question italienne. Elle se trouva isolée en Europe, sans aucun allié contre les ennemis qui la menaçaient de toute part. La faiblesse incurable de tout le système, la disproportion entre ses prétentions et ses ressources, la mégalomanie qui aveugle le gouvernement autrichien, ont éclaté à ce moment en pleine lumière. « Le ministère voulait rester la puissance dominante en Allemagne et devenir la puissance prépondérante en Orient. Une politique aussi ambitieuse exigeait un tout autre déploiement de forces que celui dont l’Autriche était capable à ce moment. Aussi 1. Sybel, Begründung, I, 212. 2. Ib., 235-6, 241. — Poscbinger, Vreussenim Bundesl,ag, IV, 266-88. •S. Poscbinger, o. e., II, 237, 291, 117,119. 4. Debidour, Hist. diplnm., II, 158.