174 LA RÉVOLUTION ET LA RÉACTION est attestée par le fait que le traité a été, comme la Curie l’exigeait, signé officiellement à Rome et par le représentant du pape le premier. Si l’on considère les rapports de l’Eglise et de l’Etat jusque là, c’est l’Etat qui, par le Concordat, donne, et l’Eglise qui reçoit ; mais les termes du traité renversent les rôles, et c’est l’Eglise qui a l’air de faire les concessions. En réalité, l’Etat lui accorde une entière indépendance, dans son organisation, dans sa discipline, dans son administration financière : il ne se réserve que le droit d’obtenir en certaines matières communication des décisions ecclésiastiques, et celui de donner, concurremment avec le pape, l’autorisation nécessaire pour aliéner ou grever les biens ecclésiastiques — en raison, dit le Concordat, de la contribution que l’Etat fournit aux frais du culte *. Il livre à l'Église une influence considérable sur la société ; les tribunaux ecclésiastiques connaissent seuls des causes de mariage, pourvu qu’un des conjoints soit catholique ; ce n’est que lorsqu’ils ont résolu la question essentielle — la validité du mariage — que les tribunaux de l’Etat peuvent être appelés à prononcer sur les conséquences civiles de leurs jugements. L’instruction de la jeunesse catholique ne peut être donnée que par des catholiques, dans un esprit catholique, sous la surveillance des évêques. Les clercs jouissent, en matière criminelle, d’égards particuliers, et les évêques ne peuvent jamais être traduits devant les tribunaux de l'État. L’autorité épiscopale est fortifiée : l’État prête sa force à l’exécution de ses sentences contre les clercs ou contre les livres, qui sont soumis à la censure de l’Eglise. — Et, comme si toutes ces concessions n’étaient pas assez nombreuses et importantes, Rauscher avait été autorisé, par un engagement secret dont le texte ne fut connu que douze ans plus tard, à promettre au pape qu’aucune question confessionnelle ou interconfessionnelle ne serait résolue que d’accord avec lui a. Après le Concordat, le système de Bach est complet. Les quatre armées sur lesquelles il s’appuie sont désormais à son service : les soldats debout, les bureaucrates assis, les prêtres agenouillés, les mouchards rampants 3. Ce qui échapperait encore à la police, la censure ecclésiastique l’étouffe ; la Matice bohème, sollicitée de publier les œuvres de Hus, s’y refuse naturellement ; mais même une géologie qu'on veut éditer est soumise d’abord à l’examen de plusieurs théologiens, et, « malgré l'unanimité des 1. Concordat, art. 30. 2. Rogge, I. 406. 3. Fischof, Oest. u. die Uürgscliaften seines Bestandes, 172.