200 LA RÉVOLUTION ET LA REACTION défauts par la bravoure personnelle La bureaucratie militaire avait vu son triomphe dans la réorganisation des services administratifs. Elle avait mis à leur tète un général, et Gzôrnig, le panégyriste olliciel de l’Autriche nouvelle, la louait de les avoir ainsi purifiés des abus qui s’y étaient enracinés s. Mais ce général, mal surveillé, soustrait au contrôle de la publicité, devint concussionnaire, et à la surprise de la défaite se joignit pour l’opinion la honte de la corruption. Les finances, enfin, avaient été irréparablement atteintes dans la guerre de Crimée L’inutile mobilisation de l’armée avait coûté un demi-milliard de francs. On n’avait pu se le procurer que par des opérations de crédit douteuses ou de véritables expédients. Des emprunts avaient été émis à un cours très bas ; comme l'empressement du public à y souscrire était faible, les fonctionnaires avaient été invités à le stimuler par des conférences dans leurs circonscriptions, et les prêtres au prône 3 ; en désespoir de cause, on avait directement taxé les sujets à un certain nombre de parts. Les chemins de fer et les domaines de l’Etat avaient été vendus. La gène resta telle, cependant, qu’elle explique en partie pourquoi l’Autriche ne se décida pas à prendre une attitude franchement hostile à la Russie ; car ses finances n’auraient pas supporté une guerre 4. Malgré toutes ces difficultés, et malgré les exigences croissantes des militaires, Bruck, le dernier ministre des finances de l’absolutisme et le plus capable, touchait en i85g au terme de ses efforts: il allait pouvoir rétablir la circulation métallique, rompre les liens qui enchaînaient le crédit de l’Etat à la Banque, au plus grand dommage de tous deux. La guerre d’Italie, brusquement, détruisit son œuvre péniblement accomplie, et donna aux finances de l’Autriche le coup de grâce. Elle fut la dernière surprise que la coterie de Grünne réservait à l’Autriche, et sa courte histoire présente, dans un saisissant raccourci et une soudaine illumination, toute l’histoire du système. Entre la domination autrichienne dans le Nord de l’Italie et l'existence du royaume de Sardaigne, Etat constitutionnel, centre 1. Friedjung, Benedek, 259-60. 2. nie Neugestaltung Oesterr., 669. 3. Sans grand succès d’ailleurs, comme en témoigne ce petit discours d’un curé de village en Hongrie : « Je devrais encore vous dire quelque chose du nouvel emprunt, mais je sais que, quoi que je dise, vous n’y comprendriez rien, car vous êtes des ânes, et vous resterez des Anes. » Acht Jakre Amtsleben, 26. 4. Beer, Finanzen, 230.