LA REVOLUTION ET I. V REACTION pas grand profit du système, ils se chargeaient cependant des haines qu’il amassait ; aux yeux de toutes les autres nationalités, ils passaient, sans le savoir, pour des oppresseurs et des ennemis. L’explosion nationale de 1860, surtout chez les Tchèques, les surprit, les déconcerta, les irrita. Comme « l’Autriche nouvelle » les avait habitués de nouveau, par son air germanisé, à se croire le <* ciment de l’Etat », le peuple élu, ils considérèrent les revendications des Slaves comme des attentats à leur possession légitime et s’y opposèrent avec fureur, et, comme son développement naturel poussait l’Autriche de ce côté, et qu’ils n’avaient pas la force de l’arrêter, leur longue et aveugle résistance n’aboutit qu'à rendre ensuite les représailles plus dures. L'absolutisme en Autriche ne s’est jamais inspiré de l’intérêt d’un peuple, mais uniquement de l'intérêt de la dynastie, de l’armée, de la bureaucratie : c’est pour cela qu’il est également dangereux pour tous les peuples de l’Autriche, également funeste à tous. Dans les premières années, le système de Bach inspirait surtout de la terreur. Plus tard, et surtout depuis la guerre de Crimée, lorsque la faiblesse en fut apparue, la haine se teinta de mépris, « Conservateurs et libéraux, haute noblesse et bourgeoisie, et les chefs nationaux se tendaient joyeusement la main, en chuchotant avec plaisir : Le « système » ne peut plus se maintenir longtemps1 ». On avait la certitude qu’une catastrophe à l’extérieur était inévitable, et qu'elle jetterait bas le régime détesté ; et on ne l’attendait pas seulement, mais on l’espérait. Les haines amassées par Bach étaient telles que, dans les classes éclairées, on souhaitait la défaite qui entraînerait le ministère ; pervertis par l’absolutisme, les citoyens n’avaient plus conscience du péril auquel cette catastrophe qu’ils appelaient de leurs vœux exposerait l’État. Ce système. qui s’était proposé de faire l’Autriche une, puissante, forte, et les Autrichiens inébranlables dans leur foi patriotique dynastique, avait abouti, en moins de dix ans, à les unifier dans un formidable mécontentement, à leur faire enregistrer avec joie chaque signe nouveau de la décadence et de la faiblesse de l’Em-pire. à les faire prier pour ses ennemis. C’est dans cet état d’esprit que la guerre d’Italie trouva les peuples autrichiens. Le constater, c’est prononcer la plus forte condamnation contre le régime de Bach. 1. Springer, Prolok., XIX-XX.