I,A REVOLUTION ET LA RÉACTION IV Les résultats de la Révolution ont été très grands, très profonds et très durables. Pour la monarchie entière, pour chacune de ses parties, pour chacune de ses nationalités, elle marque le début d’une ère nouvelle. Son action n’a pas été partout uniforme, car elle-même n’avait pas été uniforme. Elle avait, dès les journées de mars, pris des deux côtés de la Leitha un caractère différent : en Cisleithanie, elle représentait une brusque rupture de l’ancienne tradition, et une reconstruction de l’État de toutes pièces, par octroi — car les promesses du i5 mars et du i5 mai, la Charte bohème du 8 avril, la Constitution du a5 avril, le Parlement autrichien lui-même, puisqu’il doit son existence aux promesses octroyées, sont des octrois; —en Transleithanie, au contraire, elle n’était que l'achèvement précipité, mais sans saute brusque, sans solution de continuité, d’une évolution lente et régulière, l'aboutissement naturel d’un long mouvement de réformes. De même, depuis 1848, la continuité du développement politique n’a pas été entière en Cisleithanie, mais l’a été en Hongrie. Des deux côtés de la Leitha, l’absolutisme a suspendu pendant dix ans toute vie constitutionnelle. Mais, quand il est tombé à son tour en i860, tandis que l’Autriche acceptait d’un nouvel octroi les principes qui dominent encore aujourd’hui sa vie constitutionnelle, la Hongrie revendiquait aussitôt, au nom de la doctrine de la continuité du droit, ses lois de 1848, qui elles-mêmes se rattachent inséparablement à toute son ancienne Constitution ; et elle en a obtenu la reconnaissance en 1867. Ainsi le droit public de la Hongrie actuelle dérive directement de la Révolution ; et de même, à sa suite, celui de la monarchie, puisque le Compromis n’a fait que corriger et préciser le dualisme moderne, essayé pour la première fois en 1848. Eu Cisleithanie, au contraire, la Révolution n’a pas créé une tradition politique : les Constitutions de l’Autriche après i860 subissent pleinement l’influence des conditions nouvelles créées par elle, mais elles 11e se rattachent pas formellement aux Constitutions et aux lois de 1848 et 1849. Cette distinction établie, il n’en reste pas moins que, dans l’ensemble, la Révolution a pour toute la monarchie une valeur à peu près égale, et que ses principales conséquences y ont été partout également profondes. A ne considérer que les plus générales et les plus essentielles, il apparaît clairement que la Révolution a fortifié la monarchie,