LA RÉVOLUTION ET LA REACTION ment, auquel elle enlève tout espoir de pouvoir s’appuyer en Hongrie sur la seule classe qui possède, avec l’estime publique, l’expérience des affaires. Schmerling, en i85o, invite Deâk à venir siéger dans une commission de révision de la législation hongroise ; Deâk lui répond par une lettre qui, sous la forme la plus courtoise pour la personne du ministre, affirme sa résolution absolue de ne prendre, « dans la situation actuelle », aucune part à la vie publique *. 11 n’excommunie d’ailleurs aucun de ceux qui croient sincèrement servir la nation par d’autres voies. Lorsque Szôgyény, l’ancien vice-chancelier d’Apponyi, qui veut accepter d’entrer au Reichsrath pour y employer son influence au service du pays, le consulte, Deâk répond simplement qu’il conserve toujours sa confiance à ceux à qui il l'a donnée une fois Parmi ses amis les plus intimes, il y a des flottements : Eôtvôs, emporté par ses idées, passionné et nerveux, fait des avances au pouvoir avec son Égalité des nationalités ; Deâk reste ferme et intraitable. Dès le début, il est convaincu qu’aucun accord avec la dynastie ne sera jamais possible qu’après la reconnaisance préalable des lois de 1848 3 ; son esprit légaliste ne peut admettre de différences entre les lois : toutes sont également obligatoires. D’ailleurs, s’il exige ainsi la capitulation préalable de la force devant le droit, il ne se refuse nullement à la révision légale des lois hâtives et imparfaites. Mais le moment serait mal choisi pour le dire, pour faire ainsi une avance à la force, pour s’engager publiquement ; la politique de passivité préserve le trésor des droits de la nation, sans l’exposer par des affirmations trop absolues et des promesses périlleuses. Quelle que soit sa conviction, Deâk se garde de vouloir l’imposer ; il laisse la nation se faire elle-même la sienne, et reconnaître son propre bien. Ce sera sa politique en 1860, et plus tard encore, jusqu’au Compromis. Il n’a jamais voulu être un dictateur, mais seulement un conseiller sage et prudent. Tandis que les libéraux adoptent la politique de passivité, le parti conservateur est actif ; il l’est, parfois, presque fébrilement, et tous les moyens d’action lui paraissent bons pour atteindre son but, la presse et le livre, quand ils sont libres, la pétition et aussi l’intrigue de cour. Violemment écartés des affaires par la Révolution, terrorisés et, pour certains, personnellement menacés par la 1. Kônyi, Deâk, 11,178-9. 2. Ib., II. 179-80. 3. Kônyi, Dedk, 11, 191-4.