66 l'ancien REGIME seul valait un parti ; Kossuth, avocat et journaliste, pauvre, ardent, absolu dans ses idées, imbu de théories politiques radicales , aveuglé par l’orgueil national, audacieux et passionné, parlait et écrivait avec une éloquence fougueuse, imagée, entraînante , dont les périodes sont peut-être aussi sincères, aussi profondément venues du cœur que ses attitudes qui paraissent, malgré qu’on en ait, affectées et théâtrales. Victime du gouvernement, qui l’avait emprisonné plusieurs années pour des articles de journaux, objet, croyait-on, de la persécution des magnats, acharnés à défendre les privilèges de la naissance et surtout de la fortune contre le talent pauvre et dévoué aux intérêts des pauvres, — parce que Széchenyi, inquiet des conséquences de son agitation, avait ouvert une polémique contre lui — Kossuth devint l’idole de toute une partie de la nation, surtout de la jeunesse. Il avait compté d’abord, pour réaliser ses réformes, sur la noblesse moyenne hongroise, sur la classe dont il faisait lui-même partie par sa naissance. Déçu de ce côté, convaincu par l’expérience que l’intérêt personnel' est plus fort dans cette classe que le souci du bien public, c’est à la masse des déshérités que désormais il s’adresse : il veut leur ouvrir toutes grandes les portes de la Constitution, faire l’unité de la nation hongroise, la rendre par là puissante et sûre de l’avenir. Cette masse n’est pas magyare, mais Kossuth, il n’en doute pas, la magyarisera par la persuasion ou par la force. La Hongrie n’est pas libre de ses mouvements, elle est inséparablement attachée à l’Autriche : il ignore volontaire ment cet obstacle. C’est son trait caractéristique, et qui fait son importance dans l’histoire, d’avoir, à la tradition historique, aux scrupules légistes de Deák même et du nouveau parti libéral, opposé l’empire absolu de ses idées et de ses idéals, la théorie abstraite. Démocratie complète et indépendance nationale complète étaient les deux termes liés de son programme. Par là, ce programme dépassait la limite des réformes pour devenir révolutionnaire : c’en était le danger, et de fait c’est Kossuth qui a jeté la Hongrie dans la Révolution; mais l’esprit de la race magyare, dont il a été la plus brillante, la plus marquante, la plus victorieuse incarnation, ne le lui reprochera jamais, en considérant les résultats que la Révolution a eus en fin de compte, pour-la Hongrie moderne *. En face du mouvement politique et national qui s’étendait chaque jour, le gouvernement resta d’abord indécis et inactif. 1 Marczali, A legùj. kor tort., 546-52, 569-76. ■*