LA RÉACTION (1849-185!)) x99 jeunes officiers aristocrates, apparentés aux grandes familles bien en cour ou protégés par elles, qui font leur carrière comme officiers d’ordonnance ou dans les états-majors, et arrivent aux commandements sans aucune connaissance théorique et sans aucune expérience de la pratique : officiers de bureau, de salon, d’antichambre, et bientôt surtout de sacristie. Comme il leur faut un avancement rapide, les mises à la retraite prématurées se multiplient au grand détriment des finances comme, souvent, de l’armée, et les promotions scandaleuses des créatures de Grünne démoralisent le corps des officiers l. Ni le système ni la coterie ne sont tout puissants, aussi longtemps que Radetzky commande à Vérone. Radetzky, dont l’habileté et la persévérance ont prolongé de dix ans la domination autrichienne en Italie !, tenait son armée constamment en haleine par un système d’exercices et de manoeuvres, estimait assez peu les règlements bien ordonnés et les instructions trop détaillées, et laissait à ses officiers l’initiative nécessaire. Son âge, son rang, l’illustration de ses services, l’estime particulière de l’empereur le mettaient au-dessus des entreprises de la clique de Grünne, qui ne lui épargnait pas du moins les coups d’épingle et les sarcasmes : il n’y avait pas pour elle de pire note pour un officier que d’avoir servi en Italie, dans une armée si peu « organisée ». Lorsque Radetzky, vaincu par l’âge — il avait quatre-vingt-douze ans, — dut céder, en 1867, la place au comte Gyulai, ami et créature de Grünne, la coterie triompha partout ; les avancements scandaleux se multiplièrent, et la bureaucratie militaire put s’étaler à l’aise. Les résultats inévitables ne se firent guère attendre. En 1859, lorsque la guerre éclata en Italie, l’armée demandait unanimement pour chef le maréchal Hess, un vétéran des guerres de l’Empire, élève et compagnon de Radetzky; Grünne fit nommer Gyulai, et, lorsqu’il voulut se soustraire à ce périlleux honneur, lui répondit que,« d’après le règlement », c’était son tour de prendre le commandement La plupart des chefs de corps appartenaient également « aux six cents familles qui régnent en Autriche * » ; presque tous se firent remarquer par leur ignorance, la plupart par leur manque de présence d’esprit et de décision, et certains même ne rachetaient pas ces 1. Unsere Zeit, VIII, 728. 2. Friedjung, Benedek, 54. 3. Friedjung, Kampf, I, 13-5; Rogge, I, 52-3. D'après Kogge, Grünne aurait ajouté: « Si ce vieil âne de Radetzky a réussi, tu réussiras bien aussi. » 4. Friedjung, Kampf, I, 322.