84 LA RÉVOLUTION ET LA RÉACTION Au début, on avait toujours l’intention de rejeter les demandes qui paraissaient excessives, de repousser les exigences trop fortes ; mais on finissait toujours par accorder ce qu’avaient arraché la crainte, la menace ou la violence *. » La délégation revint à Presbourg ayant obtenu un plein succès : un ministère hongrois responsable devait être nommé , Batthyâny en serait le président ; tous les pouvoirs du roi en Hongrie étaient délégués au palatin. La loi qui devait régler le fonctionnement du ministère fut votée le 22 mars. Tous les anciens dicastères hongrois étaient supprimés ; un ministère complet était institué avec huit portefeuilles : présidence, intérieur, cultes et instruction, commerce et agriculture, travaux publics, finances, guerre, relations avec l’Autriche. Le lendemain, Batthyâny fit connaître les noms de ses collègues. Il ne manquait plus à la loi que la sanction, à la liste que l’approbation du roi, pour que la Hongrie entrât en possession de son gouvernement constitutionnel indépendant. A Vienne, on n’avait mesuré qu’après coup toute la gravité des concessions faites. Le nouveau régime parlementaire devait nécessairement relâcher les liens qui rattachaient la Hongrie à la monarchie, affaiblir l’armée, tarir, ou tout au moins diminuer les revenus que le Trésor de Vienne tirait du pays. La situation européenne de la monarchie se ressentirait nécessairement de ces transformations. Aussi se décida-t-on à résister. Le palatin se déclara prêt à tout ce qu'exigeait l’intérêt de la monarchie. Il adressa au roi un exposé de la situation en Hongrie. Il n’y avait, selon lui, que trois partis à prendre : retirer toutes les troupes de Hongrie et laisser le pays à l'anarchie ; — s’entendre avec Batthyâny, dont le loyalisme est sincère et dont le crédit, qui ne durera guère sans doute, est grand ; on pourra peut-être obtenir de lui des concessions; — ou envoyer en Hongrie un commissaire royal muni de pleins pouvoirs pour suspendre la Constitution, dissoudre la Diète, proclamer l’état de siège, et gouverner « avec une main de fer » aussi longtemps qu’il le faudra. Le premier parti est immoral, et dangereux par les suites qu’il pourra avoir dans les autres provinces. En adoptant le second, on semblerait renoncer à la Hongrie : c’est cependant le seul moyen certain, pour le moment, de la conserver à la monarchie, et le seul qui réserve la possibilité de transformations dans des temps meilleurs. Le troisième exige quarante à cinquante mille soldats, beaucoup d’argent, un commissaire royal sur, et la résolution d’aller jusqu’au bout. L’archiduc Louis 1. Szôgyény, Emlékiratai, 59.