l’ancien régime c’est par eux que les Autrichiens apprenaient ce qui se passait en Autriche. A Vienne aussi se créaient des centres de résistance libérale ; des avocats, des commerçants, des médecins, des fonctionnaires, se réunissaient pour combattre, en paroles, et en secret encore, la tyrannie puérile qui voulait étouffer toute vie intellectuelle. La censure surtout, avec ses caprices, tantôt étonnamment tolérante, tantôt, et le plus souvent, ridiculement oppressive, était l’objet de leurs attaques. Les concessions les plus modestes eussent pu les satisfaire ; à maintenir l’absolutisme dans une immuable rigueur, le gouvernement ne gagnait que de les transformer en révolutionnaires. La Hongrie avait traversé, de 1790 a 1825, une période critique dans l’histoire de sa Constitution. Depuis 1811, elle n’avait plus vu de Diète ; et le conflit entre le gouvernement et la nation était allé si loin que les comitats, en grand nombre, avaient recouru à leur arme dernière, suspendu leurs fonctions, arrêté le cours de l’administration et de la justice. C’est le moment où l’Autriche aurait pu sans grande peine abolir entièrement la Constitution : François II, ennemi de toute audace comme de tout changement, céda an contraire, convoqua une nouvelle Diète. C’est de cette assemblée — la Diète de 1825 — que date en Hongrie l’ère des réformes qui marquent les étapes du pays vers la Révolution. Ces réformes s’inspirent du grand courant d’idées européennes dans lequel, avec l’Autriche, la Hongrie avait été entraînée par les guerres de la Révolution et de l’Empire. Mais elles ont aussi une autre source, et qui à ce moment est la principale : c’est la condition matérielle et économique du pays. Les transformations sociales accomplies en Occident n’avaient pas encore atteint la Hongrie. Elle était restée un pays presque uniquement agricole ; la véritable, la seule richesse y était la propriété foncière, toute aux mains des nobles. Mais l’agriculture hongroise souffrait de l’incroyable retard du développement général du pays, en particulier de l’état arriéré des communications, qui rendait souvent inutiles les meilleures récoltes. Elle souffrait encore plus du régime douanier que la cour de Vienne imposait à la Hongrie. C'était le régime du pacte colonial dans toute sa rigueur1. La Hongrie devait constituer un marché réservé pour l’industrie autrichienne, et fournir l’Autriche de produits bruts, pourvu qu’ils ne fissent point concurrence à des produits autrichiens. Une double ligne de douanes, très étroitement surveillée, séparait la Hongrie de 1. Marczali, il. Jùzsef, I, 82-3, 136-7.