LE DIPLÔME ¿’OCTOBRE qu’il a lancé en i85i, et qui restera, la doctrine des « individualités historico-politiques 1 ». Elle donne, semble-t-il, le passe-partout, le principe universel applicable à toutes les parties de la monarchie, et qui doit les satisfaire toutes. En fait, elle recouvre un formidable malentendu, elle masque une immense équivoque. L'individualité historico-politique est un fait pour la Hongrie, un mot pour l’Autriche cisleithane. La Hongrie a eu son existence propre, ininterrompue et incontestée, jusqu'en 1848; dix ans de réaction et d’unité sur le papier n’ont pas pu la détruire. Les provinces eisleithanes — exception faite pour la Galicie, qu’il faut toujours metti'e à part — ont confondu la leur dans la monarchie, les unes dès le xvi® siècle, les autres —les pays bohèmes — depuis 1620. L’individualité historico-politique de la Hongrie s’incarne dans la noblesse hongroise et la nation magyare, qui font corps : c’est l’hégémonie magyare, qui lui donne son sens, sa réalité vivante ; les succès de la noblesse, à la cour ou à la tribune, c’est à cette hégémonie nationale qu’ils profitent. En Autriche, il n'y a pas de noblesse nationale : la noblesse des pays allemands est uniquement catholique et dynastique, la noblesse féodale de Bohême est provincialiste ; quand elle s’allie aux Tchèques, c’est calcul et point du tout sentiment; son rêve est d’exercer entre les deux nationalités du pays, tchèque et allemande, une fructueuse médiation. Même l'idée qu’elle se fait de l’individualité historico-politique bohème n’est pas nationale. Pour les Tchèques, cette individualité est celle de l’Etat bohème, formé des trois pays de la couronne de Saint-Venceslas, Bohême, Moravie et Silésie. C’est ainsi qu’ils l'ont conçue dès 1848. Elle répond à l’histoire, et à leur intérêt: car l’Etat bohème, ainsi reformé, comprendrait les provinces les plus riches de l’Autriche, et ils y domineraient par le droit de leur majorité. Ils n’ont le choix — s’ils ne se contentent pas, comme à Kremsier, de leur place dans une Cisleithanie constitutionnelle, — qu’entre ce programme tout historique ou un programme tout ethnique : abandonner les parties allemandes de leurs trois pays et s’unir, par contre, intimement aux Slovaques de Hongrie, cette puissante réserve de leur nationalité % pour former un groupe ethnique de huit millions d’hommes, pur de tout mélange, libre de son développement national. Palackÿ, en 1848, a soutenu tour à tour ces deux programmes : l’un ou l’autre permet également aux Tchèques de 1 Seizième séance. 2. Masaryk. Karel Havlicek, 394-7.