92 LA RÉVOLUTION ET LA RÉACTION étaient donc appelés à y députer. Pour éviter qu’ils ne songeassent aussi à réclamer une Constituante autrichienne, le ministère s’empressa d’octrover une Constitution à l’Autriche, et, par prudence, la fit assez libérale. Le Parlement autrichien devait comprendre deux Chambres, la seconde élue par un suffrage indirect légèment censitaire. La Constitution distinguait entre l’Empire autrichien et l’Éat autrichien 1 : tous les pays de l’Empire autrichien formaient une monarchie inséparable ; mais la Constitution ne s’appliquait qu’à l’État autrichien5, à la Cisleithanie actuelle. Pour le reste, elle était une copie de la Constitution belge. Fiquelmont, qui l’avait contresignée comme président du conseil, lui reconnaît de grands mérites ; elle ne pouvait visiblement être que transitoire, et ne touchait point à la question essentielle : l’Autriche resterait-elle un Etat fédéral, ou deviendrait-elle un État centralisé ? « Il n’est pas possible de condamner plus sévèrement ce projet de Constitution : on voulait donner à l’Autriche une constitution qui n’aurait pas pour objet la constitution de l’Autriche3.» Les délégués de la Galicie qui se trouvaient alors à Yienne protestèrent contre cet octroi: seul, le futur Congrès national polonais était compétent pour régler leur sort. Les Tchèques ne prirent même pas la peine de protester: ils avaient déjà leur Constitution, l’ordre du 8 Avril ; la Charte nouvelle ne pouvait rien changer à leurs droits. A Vienne, l’opposition grandit peu à peu à mesure que diminuait la confiance dans la sincérité constitutionnelle ou l’énergie des ministres. Un conflit de Pillersdorf avec la garde nationale et la légion académique, qui était l’organisation militaire des étudiants, amena une nouvelle révolution, celle du i5 mai. Elle arracha au gouvernement la promesse que le prochain Parlement autrichien serait une Constituante, formée d’une seule Chambre, et pourrait réviser la Constitution du 25 avril. La journée du i5 mai fut ainsi le triomphe de la démocratie. Vienne était donc à la merci de l’émeute, et l’empereur ne s’y trouvait plus en sûreté : son entourage résolut de l’enlever. Le jy mai, il quitta la ville comme pour faire sa promenade ordinaire ; le 19, il arriva à Innsbruck. Le ministère, comme la population, n’apprit l’événement que par hasard. Les deux commissaires qu’il 1. Kaiserreich et Kaiserstaal. 2. Cette délimitation territoriale avait été proposée, sauf l’exclusion de la Galicie, par une réunion de députés des États des provinces allemandes, où n’étaient représentées ni la Bohême ni la Galicie. 3. Springer, Gesch. Oest., II, 298.