8 l'ancien régime des Habsbourg. Les circonstances y furent favorables. La cour attirait des nobles d’Autriche, de Bohème, de Hongrie : égaux par le rang, rapprochés par les relations que créait entre eux la vie dans ce milieu resserré, ils nouaient des alliances que les souverains encourageaient. Nombre de familles mêlèrent ainsi leur sang : elles prirent des idées nouvelles, eurent des intérêts dans les diverses parties de la monarchie, et, sans abjurer entièrement leur patriotisme particulier, y joignirent un patriotisme « grand autrichien » dont le principal élément était le loyalisme dynastique. Les invasions turques, en rejetant sur l’Autriche un grand nombre de familles de l’aristocratie hongroise, hâtèrent ce mouvement. La noblesse autrichienne devint ainsi un facteur essentiel de l’unité de l’État ; la consolidation de la monarchie fut pour beaucoup son œuvre : c’est ce rôle qui explique la faveur dont elle a toujours joui en Autriche. Ces quatre supports de l’État autrichien — armée, bureaucratie, Église, noblesse — ne sont pas isolés l'un de l'autre. Ils se soutiennent au contraire, et parla doublent leur force. Les ambassades, les grands commandements, les hauts emplois, le gouvernement des provinces, les sièges épiscopaux les plus illustres reviennent presque de droit à l’aristocratie autrichienne. Elle ouvre ses rangs, sans exclusivisme et sans préjugés, aux anoblis dont un titre a payé les bons services à la guerre ou au conseil. Toute cette classe, puissante et unie, révère dans le souverain commun l’Empereur, titulaire de la plus haute dignité temporelle de la chrétienté : ni l’armée autrichienne n’est séparée de l’armée impériale, ni l’aristocratie autrichienne de la noblesse d’Empire ; ce sont des titres d’Empire, titres de princes ou de comtes, qui récompensent les fidèles serviteurs de la dynastie même en Hongrie. Le sentiment impérial achève le patriotisme autrichien ; il complète cette armature originale et puissante, qui pendant trois siècles et demi a soutenu tout l’État autrichien et qui en soutient encore aujourd’hui les débris. L’histoire de l’État autrichien — et par là il faut entendre non pas l’histoire des États de la maison d’Autriche, mais l’histoire du système qui devait leur donner l’unité politique — se divise, jusqu’à 1848. en deux périodes nettement tranchées, et fort inégales : l'une dure vingt-cinq ans, l’autre trois siècles. La première est celle où se constituent les affaires communes aux divers États des Habsbourg : l'autre, celle où la dynastie essaie en vain de les plier tous à la centralisation absolutiste. La différence de résultats de ces deux périodes explique le dualisme historique.