LES AVENTURES D’ANDRONIC COMNÈNE	i03
tait, plante son bâton en terre, le drape de son manteau, le coiffe de son chapeau, lui donne la silhouette d’un homme accroupi; après quoi, se traînant sur le sol, il s’éloigne aussi vite qu’il peut. Quand les gardes, trouvant la station un peu longue, vinrent voir de plus près ce qu’il en était, le prisonnier avait pris le large et déjà gagné une bonne avance. Il réussit à atteindre Halitch, et il séduisit si bien le prince Jaroslav que celui-ci fit de lui son compagnon et son conseiller ordinaire : 110 pouvant plus se passer de sa société, il partageait avec lui sa maison et sa table.
  Il y avait quelque danger pour l’empereur à laisser chez les Russes, au moment surtout où recommençait la guerre avec la Hongrie, un adversaire aussi redoutable, qui déjà intriguait et recrutait, pour envahir le pays byzantin, un corps de cavalerie. Manuel crut donc sage de pardonner à son cousin. D’ailleurs Eudocie était remariée; elle avait depuis neuf ans eu le temps d’oublier son amant d’autrefois; de ce côté, aucun esclandre n’était à craindre. L’empereur fit informer le proscrit que, s’il revenait, on lui garantissait sa liberté et sa sûreté. Andronic accepta sa grâce, il rentra et servit môme fort vaillamment au siège de Zeugmin. Mais chez lui la soumission n’était jamais bien longue; il avait en son âme frondeuse un goût invincible de l’opposition. Quand Manuel, n’ayant toujours point de fils, résolut de faire reconnaître comme héritiers présomptifs du trône sa fille Marie et le futur époux de cette princesse, Andronic refusa tout net de prêter aux nouveaux princes le serment de fidélité que l’empereur demandait à ses grands. Il objectait que d’abord c’était là un serment inutile, puisque l’empereur était parfaitement