UN POETE DE COUR A.U SIÈCLE DES COMNÈNES 161 favorite (je ne veux pas cacher mes torts, c’est une faute où je tombe souvent), j’étais de mauvaise humeur, je lui parlai durement, et elle se mit à me rabâcher ses reproches habituels. « Je ne suis pas votre esclave, cria-t-elle, ni votre domestique. Comment avez-vous l’audace de lever la main sur moi? Comment n'avez-vous pas honte? » Et c’est tout un chapelet d’impertinences, auxquelles le poète a d’abord envie de répondre par des soufflets; mais il connaît sa femme, et prudemment il se dit : « Pour ton âme, Prodrome, assieds-toi et garde le silence. Supporte courageusement tout ce qu’elle te dira. Car si tu la frappes, si tu la bats, et que tu lui fasses mal, comme tu es petit, vieux et impotent, elle s'élancera sur toi, te poussera devant elle, et si elle te frappe, elle pourrait bien t’assommer. » Finalement pourtant la colère l’emporte; il prend un manche à balai; mais alors Madame s’enfuit et s’enferme. « Dans mon indignation, je saisis le manche à balai et je me mis à frapper à la porte avec violence. Ayant trouvé un trou, j’y introduisis le bout de mon manche à balai. Mais ma femme bondit, l’empoigne, le tire en dedans, et moi en dehors. Me voyant le plus fort, et s’apercevant que je l'amenais vers moi, elle lâche le manche à balai, entrouvre la porte, et moi je m’étale soudain de tout mon long par terre. » Elle alors se moque de lui, et après une nouvelle bordée d’injures, elle rentre chez elle et de nouveau s’enferme. En attendant, le pauvre homme a faim; mais Madame a les clefs de l’armoire. Il se résigne donc à se coucher, persuadé sans doute, selon le proverbe, que « qui dort dîne », quand tout à coup, durant son sommeil, une bonne odeur de ragoût lui chatouille l’odorat. Il ne fait FIGURES BYZANTINES. 3« série. 11