DEUX ROMANS DE CHEVALERIE BYZANTINS 333 leurs compagnons noyés par leur faute, ils s'épouvantent à la pensée du compte qu'ils en devront rendre « devant le juge incorruptible, le grand et terrible juge ». On sait combien cette idée du Jugement dernier a hanté, surtout en Orient, les âmes du moyen âge. Aujourd’hui encore il n’est guère d’église grecque où ne soit représentée, avec un luxe de détails terrifiants, la redoutable scène de « la seconde venue du Christ ». Il faut observer d’autre part l’importance qu’ont dans le poème les souvenirs empruntés à l’antiquité. Le portrait de l’Amour, tenant en main une flèche d’or, semble inspiré de quelque statue grecque : et il convient d’ajouter que cet appareil magnifique qui environne le dieu est tout à fait dans la tradition du roman byzantin. Dans son poème d’Hysminè et Hysminias, Eustathios Makrembolitès a peint sous les mêmes traits le dieu d’Amour, monté sur un char de triomphe et entouré d’une pompe toute royale. La Byzance du xne et du xme siècles avait précieusement conservé l’héritage des inventions allégoriques et mythologiques qu’avaient créées jadis la Grèce et Alexandrie. Ce qui frappe également dans l’histoire de Belthandros et Chrysantza, c’est la place qu’y tient la nature. Les objets inanimés sont sans cesse associés par le poète aux émotions des personnages : et c’est là un traitquise rencontre déjà, on l’a vu, dans l’épopée de Digénis Akritis. Voici par exemple la description du premier campement de Belthandros, lorsqu’il a quitté la maison paternelle : « C’était une nuit de lune, une nuit délicieuse : une source jaillissait dans la prairie verdoyante. Le chevalier y dresse