130 FIGUUËS BYZANTINES suite. On l'arrêta, on le chargea de chaînes. « Mais alors même, dit Nicétas, il demeurait le subtil et ingénieux Andronic. » L’incomparable comédien qu’il était joua ici son dernier rôle. « 11 commença, raconte l’historien, une lamentable et pathétique complainte, pinçant en musicien habile toutes les cordes de l’instrument. Il rappelait de quelle race illustre il était né, de quelle famille supérieure à toutes les autres, et combien jadis la fortune lui avait été favorable, et combien sa vie passée, même quand il errait par le monde sans foyer, avait été digne d’être vécue, et combien le malheur qui l’accablait aujourd’hui méritait d’exciter la pitié. Et les deux femmes qui l’accompagnaient reprenaient la complainte et la rendaient plus lamentable encore. Il donnait le ton; elles faisaient les répons et continuaient sa chanson. » Ce fut en vain. Pour la première fois de sa vie peut-être, l’éloquence d’Andronic ne fut point entendue, son habileté resta inefficace. On le ramena à Constanlinople : il allait y mourir. Par sa tragique horreur, la mort d’Andronic fut digne de sa vie. Il faut lire dans l’histoire de Nicétas le récit de ce dernier acte du drame, l’une des pages les plus atroces et les plus émouvantes qui se rencontrent dans les annales de Byzance. On commença par conduire l’empereur déchu, tout chargé de chaînes, devant son heureux rival Isaac l’Ange, et pendant plusieurs heures on l’abandonna à toutes les insultes de la populace; on lui brisa les dents, on lui arracha la barbe et les cheveux, et les femmes en particulier s’acharnaient à coups de poing sur le misérable, pour venger les cruauLés qu’il avait ordonnées jadis contre leurs proches. Après quoi, on