ANNE COMNÈNE 31 sauces. Et aussi bien il suffit de jeter un coup d'œil ’ sur VAlexiade, son œuvre, pour y trouver la marque éclatante de ses hautes qualités. Malgré ce qu’on y peut observer d’artifice dans le style, de purisme maniéré et voulu dans la langue, malgré ce qu’on y rencontre parfois de pédantisme et de prétention, on y sent la femme supérieure, l’écrivain de réel talent que fut incontestablement Anne Comnène. Tout cela s’annonçait chez l’enfant. Comme toute Byzantine, elle était fort avertie des choses religieuses, et très versée dans la pratique des livres sacrés. Pourtant son esprit la portait plus volontiers vers les choses de la science que vers celles de la foi. Elle professait une grande estime pour la littérature, pour l’histoire, persuadée que par elles seules les noms les plus illustres peuvent être sauvés de l’oubli. Sa ferme raison dédaignait d’autre partie surnaturel, les futiles recherches des astrologues, les fausses prédictions des devins. Elle avait voulu goûter à leur prétendue science, comme elle goûtait à toutes choses, jnais surtout pour s’en bien démontrer la sottise et la vanité. Et, si pieuse qu’elle fût, elle avait peu de goût pour les discussions théologiques, dont elle jugeait assez oiseuses les longueries et les subtilités. Par-dessus tout, l’histoire l’attirait, par ce qu’elle a de sérieux et d’austère, et par la grandeur des devoirs qui s’imposent à l’historien. Telle fut l’éducation intellectuelle que reçut Anne Comnène. Sa formation morale ne fut pas moins attentivement surveillée. Sous l'influence de la sévère Anne Dalassène *, la mère de l’empereur, le ton de la 1. Voir sur cette princesse le chapitre XII de mes Figures byzantines, 1" série.