PRINCESSES LATINES A LA COUR DES PALÉOLOGUES 259 magique, débarrasserait l’empire de Cantacuzène. Quant à Apokaukos, sûr du succès, il aspirait maintenant à une plus haute fortune encore. Il songeait à enlever le jeune empereur, à l’emmener dans sa forteresse, à lui faire épouser une de ses filles, et à obliger l’impératrice à lui abandonner, pour lui, ses parents et ses amis, les plus hautes charges de l’état et l’administration de tout l’empire. Et déjà on signifiait à Cantacuzène, au nom du basileus, d'avoir à se démettre du gouvernement, à licencier ses troupes et à se retirer à Didymotique dans la condition d’un quasi-prisonnier. Depuis longtemps, la mère de Cantacuzène était fort inquiète pour son fils. Comme la plupart des gens de son temps, cette femme, par ailleurs si intelligente, était superstitieuse ; elle croyait aux présages. Or elle en avait vu d'effrayants. Un soir que, selon l’usage des grands seigneurs byzantins, elle avait reçu jusque fort avant dans la nuit les personnes qui désiraient l’entretenir ou lui faire leur cour, elle était montée ensuite sur une haute tour qui dominait son palais, pour voir la lune se lever sur l’horizon. Elle était là, perdue dans ses pensées, quand tout à coup, au pied de la tour, elle vit un homme d’armes à cheval, qui de sa lance mesurait la hauteur du donjon. Epouvantée, elle appelle ses serviteurs, et leur ordonne d’aller voir ce que veut le mystérieux cavalier. Mais on ne trouva personne; toutes les portes étaient closes, par où on pouvait entrer à cheval dans la maison : et très frappée de cette apparition qui lui semblait un redoutable présage, la grande dame, dit Grégoras, « pleine de tristesse, fondit presque en sanglots ».