CONSTANCE DË HOHENSTAUFEN 213 L’aventure causa quelque scandale à la cour de Nicée. Parmi les familiers de l’empereur, l'un des plus considérés était alors le célèbre écrivain Nicé-phore Blemmydès. Chargé par Vatatzès de faire l’éducation du prince héritier, il avait, dans cet emploi de confiance, mérité l’amitié de son élève et conquis la faveur du souverain. C’était un homme d’âme inflexible et dure, très pieux, très dédaigneux de tout ce qui n’était point les choses saintes, et qui s’était fait remarquer par une vive hostilité à l’égard des Latins. Il se piquaiten outre d’avoir son franc-parler; et quoique la liberté de son langage lui eût valu de fréquentes attaques, toujours il avait réussi à maintenir son crédit. Blemmydès résolument prit parti contre la favorite. En elle il 11e détestait pas seulement l’étrangère; il détestait la femme aussi. Jadis, en effet, quand il avait vingt ans, il avait eu un roman d’amour, qui avait mal fini; il en gardait contre tout le sexe féminin une rancune implacable. Il se mit donc hardiment à attaquer la marquise; il composa des pamphlets contre elle. Et comme ce défenseur de la morale n’avait point la main légère, il n’épargna à son ennemie aucune sorte de mauvais compliments. « Beine d’impudence, opprobre du monde, scandale de l’univers, poison mortel, débauchée, ménade, courtisane », telles furent quelques-unes des aménités dont il la gratifia. L’empereur, homme prudent, était assez ennuyé de tout cet éclat; il éprouvait parfois aussi quelque remords de l’aventure où il s’était engagé. Mais son cœur était pris, et il calmait ses scrupules en se disant que Dieu lui marquerait, quand il la jugerait venue, l’heure de la pénitence. En attendant, il se laissait