BYZANCE A L’ÉPOQUE DES CROISADES 13 disait un pape, « une nouvelle France » que la croisade avait fait éclore en Orient. Et si, comme il arrive toujours lorsque se trouvent en présence deux civilisations de qualité inégale, la moins développée des deux — c’était alors l’occidentale — subit puissamment l’influence des civilisations supérieures, arabe, syrienne, byzantine, avec qui elle fut en contact, cependant, tout en recevant beaucoup, elle donna beaucoup aussi. A ce monde féodal et français, qui fleurit en Chypre, en Syrie, en Morée, l’Orient prit quelque chose; et si, en face des nouveautés et des prestiges de l’Islam ou de Byzance, les Latins apprirent à réfléchir sur bien des choses qu’ils soupçonnaient à peine, la société orientale aussi se transforma à ce contact journalier. Ajoutez qu’à côté des barons ambitieux, qui devinrent en Orient empereurs, rois ou princes, qu’à côté des cadets de noble famille qui vinrent dans ces états nouveaux chercher une seigneurie ou une fortune, les croisades amenèrent dans le Levant d’autres Latins encore. Les grandes villes commerçantes d’Italie, Venise, Gênes, Pise, comprirent vite l'importance du riche marché qui s’ouvrait à leurs entreprises. Leurs comptoirs, dès le lendemain de la première croisade, peuplèrent les ports de la côte syrienne, et un grand mouvement colonisateur et commercial remplaça vite, avec ses préoccupations plus matérielles, l’enthousiasme religieux des premiers croisés. Bientôt tous les rivages de la Méditerranée orientale, toutes les grandes villes du monde byzantin se couvrirent d’établissements vénitiens ou génois. Pour administrer et exploiter ce nouveau monde, des sociétés puissantes se constituèrent,