ANNE COMNÈNE 27 Alexis rentrait dans sa capitale, juste à temps pour recevoir dans ses bras la fille qui lui naissait. Et c’est de cette façon qu’entra dans le monde, avec quelque chose de merveilleux dès sa naissance, Anne Com-nène, l’une des plus célèbres, l’une des plus remarquables parmi les princesses qui vécurent à la cour de Byzance. La naissance de cet enfant du miracle fut accueillie avec une allégresse extrême. Outre qu'il donnait une héritière à l’empire, l’événement scellait de façon éclatante le mariage, fort politique et nullement sentimental, qui, six années auparavant, avait uni Alexis et Irène et par là il consolidait à la cour l’influence, mal assurée jusqu’alors, de la jeune souveraine. Aussi les parents d’Irène, « fous de joie », en marquèrent-ils hautement leur satisfaction : dans les cérémonies officielles par lesquelles il était d’usage de fêter la naissance des enfants impériaux, comme dans les cadeaux qu’on fit à cette occasion à l’armée et au sénat, un déploiement de luxe inaccoutumé attesta le contentement général. Dès son berceau, on plaça sur la tête de la petite princesse le diadème impérial; son nom figura dans les acclamations rituelles dont on saluait à Byzance les souverains; en même temps, on la fiançait au jeune Constantin Doukas, fils de l’empereur détrôné Michel VII, dont Alexis Comnène, en usurpant le pouvoir, avait dû, par respect de la légitimité, s’engager à réserver les droits éventuels. Et ainsi, dès son plus jeune âge, Anne Comnène, née dans la pourpre, put rêver qu’un jour elle s’assiérait, en impératrice, sur le trône magnifique des Césars. L’enfant fut élevée entre sa mère Irène et sa future