ANNE COMNÈNE 29 « merveille de la nature, chef-d’œuvre formé par la main de Dieu et qui semblait un rejeton de cet âge il'or que célèbrent les Grecs », les larmes montaient aux yeux de la vieille princesse et elle avait peine à contenir son émotion. C’est dans ce milieu affectueux et tendre, où elle était choyée et chérie, que fut élevée la petite Anne Comnène, et peut-être, pour comprendre ce qu’elle fut, ne sera-t-il pas inutile d’examiner ce qu’était, en cette fin du xie siècle, une éducation de princesse byzantine. . Rarement le goût des lettres, et surtout celui des lettres antiques fut plus universellement répandu que dans la Byzance des Comnènes. C’est le temps où un Tzetzès, avec une érudition prodigieuse, commente les poèmes d’Hésiode et d’Homère, où un Jean Italos, au grand scandale de l’église orthodoxe, reprend après Psellos l’étude des doctrines de Platon, où les meilleurs écrivains de l’époque, tout pénétrés des modèles antiques, se piquent d’imiter dans leurs ouvrages les plus illustres auteurs de la Grèce, où la langue même se raffine et s’efforce, par son purisme un peu maniéré, de reproduire la grâce sobre de l’atticisme. Dans une telle renaissance de la culture classique, une princesse impériale, surtout lorsqu’elle était, comme Anne Comnène, remarquablement intelligente, ne pouvait plus se contenter de l’éducation, un peu sommaire, qu’on donnait jadis aux femmes byzantines1. Elle eut les meilleurs maîtres, et elle profita de leurs leçons. Elle apprit tout ce qu’on pouvait apprendre de son temps, la rhétorique et la philoso- 1. Voir sur ce point mes Figures byzantines, 1'" série, p. 114 et 293.