BYZANCE A L’ÉPOQUE DES CROISADES 3 des ai ls y étaient universellement répandus. Et bien plus encore peut-être que par la prospérité matérielle de cette magnifique capitale, les barons de la croisade furent étonnés par la pompe merveilleuse du cérémonial qui environnait la personne de l’empereur, par ces complications de l’étiquette qui creusaient un abîme entre l’orgueilleux souverain de Byzance et le reste de l’humanité, par ces apothéoses théatrales, où le basileus apparaissait comme le représentant ou plutôt comme l’émanation même de la divinité. Dans cette société élégante, dans cette cour cérémonieuse, à la stricte et minutieuse hiérarchie, les croisés d’Occident apparurent comme des rostres assez mal élevés, comme de fâcheux et gênants trouble-fêtes. Aussi bien, pleins d’un mépris profond pour ces Grecs schématiques, incapables en leur rude suffisance de rien comprendre à tant de raffinements et de nuances de politesse, et s’en trouvant froissés dans leur amour-propre comme d’un manque d’égards, enfin et surtout fort excités par ce prodigieux étalage de richesses, les Latins ne firent rien pour arrondir leurs angles, et ils se conduisirent, selon le mot de l’un de leurs chefs, de Pierre l’Hermite lui-même, « comme des voleurs et des brigands ». Il faut voir dans les écrivains du temps l’impression d’inquiétude et de stupeur que produisit sur les Grecs l’arrivée inopinée de ces multitudes en armes, qui brusquement se répandirent sur le territoire byzantin. « Le passage des Francs, écrit un témoin oculaire, nous a tellement saisis, que nous n’avions plus conscience de nous-mêmes ». Et en face de ces foules, « plus nombreuses, dit Anne Comnène, que les étoiles du ciel et que les