ANNE COMNÈNE 49 d’Anne Comnèiie, il ne faut point oublier qu’en somme elle devait s’en prendre à elle-même plutôt qu’à la destinée. Certes ce dut être pour elle une chose étrangement dure de porter jusqu’à l’âge de soixante-cinq ans la rancune de sa défaite; ce dut être pour cette femme ambitieuse une souffrance atroce de voir le triomphe de ses adversaires et de sentir, pendant trente années, que tout rôle était fini pour elle. Mais c’est elle-même qui l’avait voulu. Les lettres qu’avait aimées sa jeunesse furent dans sa retraite sa suprême consolation. Elle eut une petite cour de savants, de grammairiens, de moines, et elle versa dans un beau livre, VAlexiade, toutes ses tristesses, tous ses regrets, toutes ses rancunes, tous ses souvenirs. On peut, d’après ce que nous savons déjà de l’auteur, deviner aisément ce que fut cette œuvre. Assurément Anne Comnène y affecte volontiers de grandes prétentions à l’impartialité sereine de l’historien ; elle déclare quelque part que « quiconque se mêle d’écrire l’histoire doit s’affranchir également de passion et de haine, savoir louer ses ennemis, lorsque leur conduite l’exige, et blâmer ses parents les plus proches, lorsque leurs fautes le rendent nécessaire ». Elle ne fait pas un moindre étalage du souci qu’elle prétend avoir de la vérité. « On dira peut-être en me lisant, écrit-elle, que mon langage a été altéré par mes affections naturelles. Mais, j’en jure par les périls que l’empereur mon père a courus pour le bonheur des Romains, par les exploits qu’il a accomplis, par tout ce qu’il a souffert pour le peuple du Christ, ce n’est point pour flatter mon père que j’écris ce livre. Chaque fois que je le trouverai en faute, résolument FIGURES BYZANTINES. 2* Séfio. 4