BYZANCE A L’ÉPOQUE DES CROISADES 23 éclats de passion furieuse qui plus d’une fois jetèrent sur les Latins détestés la populace de la capitale byzantine, et en particulier cette tragique journée du 2 mai 1182, où le quartier italien de Constantinople fut mis à feu et à sang par la foule exaspérée, où clercs et laïques, femmes et enfants, vieillards et les malades mômes des hôpitaux furent massacrés sans pitié par une multitude en délire, heureuse de venger en un jour tant d’années de sourdes rancunes, de jalousies obscures et d’implacables haines. Dans l’ordre des choses religieuses, les sentiments ne se manifestaient pas avec moins de violence. Lorsque les prélats qui, en 1439, au concile de Florence, avaient sur l’ordre de Jean VIII consommé l’union avec Rome, rentrèrent à Constantinople, le peuple les accueillit par des outrages et des huées. Ouvertement on les accusa de s’être laissé corrompre et d'avoir, pour un peu d’or, vendu leur église et leur pays. Et quand le basileus, fidèle à ses promesses, voulut mettre en vigueur l’accord juré, la populace soulevée chassa le patriarche ami de Rome et l’émeute gronda sous les coupoles de Sainte-Sophie.Enface des Turcs menaçants, la haine de l’Occident par-dessus tout enflammait les âmes byzantines; et pour ardente et passionnée qu’elle fût, cette haine n’était point une haine aveugle. A ce moment même où Byzance touchait à l’heure suprême, les princes d’Occident pensaient moins à la défendre qu’à la conquérir. Dans l’ordre des choses sociales enfin, on rencontre chez beaucoup de Grecs la même incompréhension des usages qui viennent d’Occident. C’est là peut-être qu’apparaît le plus nettement la différence de mentalité des deux races. S’agit-il de ces défis cheva-