LES AVENTURES D’ANDRONIC COMNÈNE 101 des amphores qui servaient à lui apporter son vin, on faisait tenir au prisonnier un gros paquet de cordes : un soir, à la nuit tombante, pendant que les soldats de garde étaient à souper, le page fidèle, à l’aide des fausses clefs, ouvrit la prison de son maître. La tour donnait sur une cour intérieure du palais, dont les terrasses dominaient d’assez haut la mer de Marmara; comme on n’y passait guère, elle était toute remplie de hautes herbes : Andronic se tapit d’abord dans le fourré, « comme un lièvre », et attendit le moment favorable pour se servir des cordes qu’il avait emportées. En homme avisé qu’il était, il avait, en sortant de son cachot, pris la précaution de fermer soigneusement la porte derrière lui. Aussi, quand l’officier de service fit sa ronde du soir, il ne remarqua rien d’insolite : ayant placé les sentinelles aux postes accoutumés, tranquillement il alla se mettre au lit. Alors, en pleine nuit, Andronic attacha sa corde aux créneaux du mur extérieur et se laissa sans bruit glisser sur le rivage. Un bateau l’y attendait, et il se croyait hors d’affaire, quand un fâcheux contretemps se produisit. Depuis le jour où, près de deux siècles auparavant, Jean Tzimiscès avait assassiné l’empereur Nicéphore Phocas, on avait établi sur tout le front de mer du grand palais des postes de surveillance, chargés d’empêcher les barques de passer pendant la nuit le long des murs de la demeure impériale. Le fugitif avait oublié ce détail; il fut aperçu par les soldats de garde, arrêté, interrogé, et déjà il songeait à se tuer plutôt que de rentrer dans son cachot, quand il eut une inspiration géniale. « Je suis, dit-il, un esclave échappé de sa prison. Je vous en supplie, ne me laissez pas