154 FIGURES BYZANTINES donnent pour des hommes de lettres, les sots qui, pour avoir l’air de philosophes, ne se montrent jamais en public qu’un volume de Platon à la main, les imbéciles qui, en portant de longues barbes, s’imaginent acquérir ainsi l’aspect de gens très savants. Il a plaisanté pareillement les époux un peu mûrs qui s’unissent à de trop jeunes femmes, les courtisanes vieillies, qu’il envoie de bon cœur à Cerbère, tout en se demandant si le chien infernal voudra mordre à leur peau coriace : et dans tout cela, il y a une observation aiguë et amusante de la réalité, qui donne à ces poèmes un incontestable intérêt pour l’histoire de la société, et surtout de la société littéraire de l’époque. Mais Prodrome ne s’est pas seulement amusé à peindre les mœurs de son temps ou les travers de ses confrères en littérature. On lui doit en outre des œuvres d’un tour plus populaire, ces poèmes en grec vulgaire, où la verve plus débridée encore, la langue plus familière, le ton plus grossier montrent combien est près du peuple cet écrivain caustique et jovial. Il y a là, pris sur le vif de la vie journalière de Con-stantinople, au voisinage de ces petits métiers qui remplissent les rues de la capitale, de petits tableaux d’une vérité, d’une sincérité tout à fait instructives et savoureuses. Voici par exemple l’histoire de l’heureux savetier. « J’ai pour voisin un savetier, une sorte de pseudocordonnier : c’est un amateur de bons morceaux, un joyeùx viveur. Aussitôt qu’il voit poindre l’aurore : « Mon fils, dit-il, fais bouillir de l’eau. Tiens, mon « enfant, voici de l’argent pour acheter des tripes, et « en voilà pour avoir du fromage valaque. Donne-moi