158 FIGURES BYZANTINES une infortune de plus. Il était marié, et mal marié. Il avait épousé une fille de qualité, dont il avait eu quatre enfants. Mais c’était une personne d’humeur acariâtre et querelleuse, aigrie en outre par la misère et furieuse de sa mésalliance. Aussi les scènes étaient fréquentes dans la maison ; et comme la dame avait la main leste, les soufflets pleuvaient avec les reproches. Prodrome, qui avait grandpeur d’elle, se consolait en sortant de chez lui et en courant les cabarets. Mais les rentrées au logis étaient pénibles et le poète s’en trouvait parfois assez mal. Il est vrai qu’en revanche ses dissentiments domestiques lui fournissaient la matière d’un poème burlesque destiné à amuser l’empereur. Cette pièce nous a été conservée : c’est une composition en langue vulgaire, d’un genre absolument unique dans toute la littérature grecque. Sans doute il est probable que sur un thème, qui a fourni tant de scènes à la comédie, le poète a laissé librement aller sa verve, et qu’il serait imprudent de prendre à la lettre tous les détails d’un récit visiblement poussé à la charge. Mais la pièce n’en reste pas moins curieuse, par tout ce qu’elle nous montre d’un intérieur de petite bourgeoisie dans la Byzance du Xii° siècle. « Sire, commence le poète, tout en ayant l’air de badiner, je suis en proie à une affliction immense, à un chagrin des plus violents. J’ai une fâcheuse maladie, un mal, mais quel mal! En entendant le mot de maladie, n’allez pas vous figurer je ne sais quelles choses. Ne vous imaginez point qu’il me soit poussé une corne au milieu du front, que je souffre d’une maladie de cœur, d’une inflammation, d’une péritonite. Non! le mal que j’endure, c’est une femme acariâtre