42 FIGURES BYZANTINES mains sa figure, elle se met à fondre en sanglots. Irène, comprenant alors, pousse un long cri de désespoir; elle jette par terre sa coiffure impériale et, saisissant un couteau, elle coupe sa chevelure presque jusqu’à la racine; elle jette au loin ses brodequins de pourpre pour chausser des bottines noires, elle emprunte à la garde-robe de sa fille Eudocie, récemment devenue veuve, les vêtements de deuil et le voile noir dont elle enveloppe sa tête. En racontant cette journée tragique, Anne Com-nène, bien des années plus tard, se demande si elle n’est point le jouet d’un rêve affreux, et pourquoi elle n’est point morte en même temps que ce père adoré, et pourquoi elle ne s’est point tuée le jour où s’est éteint « le flambeau du monde, Alexis le Grand », le jour où, comme elle dit, « son soleil s’est couché ». Il n’y a point, dans tout ce beau récit, un mot qui puisse faire soupçonner même les intrigues et les ambitions qui s’agitaient dans cette chambre de malade. Irène, dans son désespoir, n’a plus souci du diadème ni du pouvoir; Anne, à ses côtés, méprise toutes les gloires de ce monde. Pas un mot ne rappelle la succession convoitée, ni les efforts suprêmes qu’on tenta pour renverser l’ordre établi. A peine trouve-t-on une allusion discrète à la hâte que mit Jean Com-nène, l’héritier du trône, à quitter le lit du mourant pour aller se saisir du grand palais ; à peine en passant est-il fait mention du trouble qui régnait dans la capitale. Et c’est tout. C’est dans les autres chroniqueurs de l’époque qu’il faut regarder pour voir tout ce qui se cache sous ces lamentations de femmes, les assauts donnés par Irène à l’empereur mourant pour